Diégèse | |||||||||
samedi 4 janvier 2014 | 2014 | ||||||||
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La Fortune des Rougon2 | |||||||||
Vers ce temps, la ville
songea à tirer parti de ce bien
communal, qui dormait inutile. On abattit les murs
longeant la route et
l'impasse, on arracha les herbes et les poiriers. Puis on déménagea
le
cimetière. Le sol fut fouillé à plusieurs mètres, et l'on amoncela,
dans un
coin, les ossements que la terre voulut bien rendre. Pendant près d'un mois,
les gamins, qui pleuraient les poiriers, jouèrent aux boules avec
des
crânes ; de mauvais plaisants pendirent, une nuit, des fémurs et
des
tibias à tous les cordons de sonnette de la ville. Ce scandale, dont
Plassans
garde encore le souvenir, ne cessa que le jour où l'on se décida à
aller jeter
le tas d'os au fond d'un trou creusé dans le nouveau cimetière. Mais,
en
province, les travaux se font avec une sage lenteur, et les habitants,
durant une
grande semaine, virent, de loin en loin, un seul tombereau transportant
des
débris humains, comme il aurait transporté des plâtras. Le pis était
que ce
tombereau devait traverser Plassans dans toute sa longueur, et que le
mauvais
pavé des rues lui faisait semer, à chaque cahot, des fragments d'os et
des
poignées de terre grasse. Pas la moindre cérémonie religieuse ; un
charroi
lent et brutal. Jamais ville ne fut plus écœurée. |
Émile Zola 1870
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Il
en était de cet écœurement qui prépare les révoltes. Chacun
connaissait parfaitement, sur plusieurs générations, les ouvriers, les
contremaîtres, tous ceux qui, de loin, de près, avaient participé à la
macabre procession, et chacun les connaissait comme étant de Plassans.
De les connaître et de connaître leurs pères et leurs grands-pères les
faisait regarder comme des profanateurs insultant leurs propres morts,
et cela faisait naître une sourde colère. La ville mesurait confusément
les engrenages d'incurie huilés de paresse qui avaient permis et fourni
ce cortège. Les femmes se signaient au passage de ce char de la mort. D'autres se
croyaient maudites ou envoutées. Les esprits se moquaient bien pourtant
des
os qui les avaient abrités. Ils continuaient leur sarabande provençale
sur l'aire Saint-Mittre et ne la quitteraient pas avant longtemps. La jeunesse, quant à elle, voulait quitter Plassans, rejoindre Paris dans un espoir de barricades, de harangues et de serments. Elle pensait même à Londres, à Rome, à Berlin, dans un grand tour révolutionnaire du siècle passé. Elle n'avait rien lu encore, mais ces ouvriers mortuaires lui apparaissaient comme le comble de ce qu'elle considérait déjà comme une aliénation. |
Daniel Diégèse 2014
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4 janvier | |||||||||
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