Diégèse | |||||||||
mercredi 29 janvier 2014 | 2014 | ||||||||
ce travail est commencé depuis 5143 jours (37 x 139 jours) | et son auteur est en vie depuis 19596 jours (22 x 3 x 23 x 71 jours) | ||||||||
ce qui représente 26,2452% de la vie de l'auteur | |||||||||
hier | L'atelier du texte | demain | |||||||
La Fortune des Rougon2 | |||||||||
Les amants des villes du Midi ont adopté ce genre de promenade. Les garçons et les filles du peuple, ceux qui doivent se marier un jour et qui ne sont pas fâchés de s'embrasser un peu auparavant, ignorent où se réfugier pour échanger des baisers à l'aise sans trop s'exposer aux bavardages. Dans la ville, bien que les parents leur laissent une entière liberté, s'ils louaient une chambre, s'ils se rencontraient seul à seule, ils seraient, le lendemain, le scandale du pays ; d'autre part, ils n'ont pas le temps, tous les soirs, de gagner les solitudes de la campagne. Alors ils ont pris un moyen terme : ils battent les faubourgs, les terrains vagues, les allées des routes, tous les endroits où il y a peu de passants et beaucoup de trous noirs. Et, pour plus de prudence, comme tous les habitants se connaissent, ils ont le soin de se rendre méconnaissables en s'enfouissant dans une de ces grandes mantes qui abriteraient une famille entière. Les parents tolèrent ces courses en pleines ténèbres ; la morale rigide de la province ne paraît pas s'en alarmer ; il est admis que les amoureux ne s'arrêtent jamais dans les coins ni ne s'assoient au fond des terrains, et cela suffit pour calmer les pudeurs effarouchées. On ne peut guère que s'embrasser en marchant. Parfois cependant une fille tourne mal : les amants se sont assis. |
Émile Zola 1870
|
||||||||
« Tourner mal ». Voilà ce que craignent et doivent craindre les filles de province et voilà la menace que leur font, pères, mères, grands parents et nourrices, depuis leur plus jeune âge. La fille qui « tourne mal » est celle, bien sûr, qui aura fauté avant son mariage et, pire, qui en portera le fruit avec l'ostentation lente des femmes engrossées. Cependant, les signes avant-coureurs de cette disgrâce sont divers et souvent inattendus et consistent principalement en un défaut d'obéissance dans les plus petites choses de la vie. Ce lien qui est fait entre la soumission et la pudeur n'a jamais vraiment été explicité et semble procéder de la condition subalterne faite aux femmes dans ces sociétés fermées. « Tourner mal », certes, s'emploie aussi pour les garçons. Cela prend évidemment un tout autre sens, les garçons ne portant pas en eux le fruit de leurs amours. Mais surtout, leurs aventures précoces sont toujours considérées par leur père, leurs frères, leurs oncles et leurs cousins, comme une preuve ultime de la puissance virile de la lignée. Ainsi, les garçons tournent mal, non pas avec leurs amoureuses, mais quand ils sont paresseux et qu'ils ne se préparent pas avec suffisamment d'ardeur à jouer pleinement le rôle qui leur a été transmis et qui consiste en permanence à réaffirmer la prééminence de l'homme sur la femme. |
Daniel Diégèse 2014
|
||||||||
29 janvier |
|||||||||
2009 | 2008 | 2007 | 2006 | 2005 | 2004 | 2003 | 2002 | 2001 | 2000 |
|
|
|
|
|
|
2013 | 2012 | 2011 | 2010 |