Diégèse | |||||||||
vendredi 4 juillet 2014 | 2014 | ||||||||
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La Fortune des Rougon2 | |||||||||
L'ensemble
de mesures antilibérales qu'on nomma l'expédition de
Rome à l'intérieur, assura
définitivement à Plassans le triomphe du
parti Rougon. Les
derniers bourgeois enthousiastes virent la République agonisante et se
hâtèrent de se rallier aux conservateurs. L'heure des
Rougon était venue.
La ville neuve leur fit presque une ovation le jour
où l'on scia l'arbre de la liberté planté sur la place de la
Sous-préfecture. Cet arbre, un jeune peuplier apporté des bords de la
Viorne, s'était desséché peu à peu, au grand désespoir des ouvriers
républicains qui venaient chaque dimanche constater les progrès du mal,
sans pouvoir comprendre les causes de cette mort lente. Un apprenti
chapelier prétendit enfin avoir vu une femme sortir de la maison Rougon
et venir verser un seau d'eau empoisonnée au pied de l'arbre. Il fut dés lors acquis à l'histoire que Félicité en personne se levait chaque nuit pour arroser le peuplier de vitriol. L'arbre mort, la municipalité déclara que la dignité de la République commandait de l'enlever. Comme on redoutait le mécontentement de la population ouvrière, on choisit une heure avancée de la soirée. Les rentiers conservateurs de la ville neuve eurent vent de la petite fête ; ils descendirent tous sur la place de la Sous-Préfecture pour voir comment tomberait un arbre de la liberté. La société du salon jaune s'était mise aux fenêtres. Quand le peuplier craqua sourdement et s'abattit dans l'ombre avec la raideur tragique d'un héros frappé à mort, Félicité crut devoir agiter un mouchoir blanc. Alors il y eut des applaudissements dans la foule, et les spectateurs répondirent au salut en agitant également leurs mouchoirs. Un groupe vint même sous la fenêtre, criant : « Nous l'enterrerons, nous l'enterrerons ! » Ils parlaient sans doute de la République. L'émotion faillit donner une crise de nerfs à Félicité. Ce fut une belle soirée pour le salon jaune. |
Émile Zola 1870
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Cette
scène faisait écho, pourtant, et quelles que fussent les opinions des
protagonistes, à celle que Plassans avait connue quand l'arbre avait
été planté, comme symbole de liberté mais aussi comme le symbole qui
allait accompagner la croissance et la vitalité des nouvelles
institutions. Même les plus réfractaires et les plus réactionnaires des
habitants portaient le deuil de cet espoir et de cette ardeur
révolutionnaires, qui par la verdeur des règles nouvelles redonnait de
la vigueur au corps social tout entier. Ce jeune arbre abattu avant
d'avoir grandi sonnait le glas de tout cela et semblait annoncer pour
les temps à venir de grandes catastrophes où seraient abattus de jeunes
pousses humaines au pied desquelles on aurait déversé de la haine. On aurait pu replanter et on ne le fit pas. Pourtant la République prévoyante avait tout prévu qui par le décret du 3 pluviôse an II avait disposé que « dans toutes les communes de la République où l'arbre de la liberté aurait péri, il en serait planté un autre d'ici le 1er germinal. » Un siècle auparavant, accusée d'arroser les racines de l'arbre avec du vitriol, Félicité aurait risqué et certainement connu la guillotine. Mais ces lois n'étaient plus en vigueur et, dès l'année d'avant, en 1850, le préfet de police de Paris, Carlier, avait ordonné d'abattre presque tous les arbres de la liberté de la capitale, provoquant dans les faubourgs agitation et début d'émeute. Cela émut même les légitimistes les plus convaincus et un de leurs journaux trouva la parade : « les arbres de la liberté gênaient très peu les passants, et nous ne voyons pas en quoi les hommes d’ordre pouvaient se trouver contrariés par ces symboles. Un arbre offre une belle image de la liberté sans violence, et ne saurait menacer en rien les idées d’inégalités sociales, puisque dans les développements d’une plante tous les rameaux sont inégaux précisément parce qu'ils sont libres ». La grande mystification du peuple était à l'œuvre. |
Daniel Diégèse 2014
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4 juillet | |||||||||
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