Diégèse | |||||||||
mardi 22 juillet 2014 | 2014 | ||||||||
ce travail est commencé depuis 5317 jours (13 x 409 jours) | et son auteur est en vie depuis 19770 jours (2 x 3 x 5 x 659 jours) | ||||||||
ce qui représente 26,8943% de la vie de l'auteur | |||||||||
hier |
L'atelier du texte | demain | |||||||
La Fortune des Rougon2 | |||||||||
Ce soir-là, pendant que
le salon jaune délibérait, Aristide eut des
sueurs froides d'anxiété. Jamais joueur qui risque son dernier
louis sur une carte
n'a éprouvé une pareille angoisse. Dans la journée, la
démission de son chef lui donna beaucoup à réfléchir. Il lui entendit
répéter à plusieurs reprises que le coup d'État devait échouer. Ce
fonctionnaire, d'une honnêteté bornée, croyait au triomphe
définitif de
la démocratie, sans
avoir cependant le courage de travailler à ce
triomphe en résistant. Aristide écoutait d'ordinaire
aux portes de la
sous-préfecture, pour
avoir des renseignements précis ; il sentait
qu'il marchait en aveugle, et il se raccrochait aux nouvelles qu'il
volait à l'administration. L'opinion du
sous-préfet le
frappa ; mais il
resta très perplexe. Il pensait : « Pourquoi s'éloigne-t-il,
s'il est
certain de l'échec du prince président ? » Toutefois, forcé de
prendre
un parti, il résolut de continuer son opposition. Il écrivit un article
très hostile au coup d'État, qu'il porta le soir même à l'Indépendant,
pour le numéro du lendemain matin. Il avait corrigé les épreuves de cet
article, et il
revenait chez lui, presque tranquillisé lorsque, en
passant par la rue de la Banne, il leva machinalement
la tête et
regarda les fenêtres des Rougon. Ces fenêtres étaient
vivement
éclairées. « Que peuvent-ils comploter là-haut ? » se demanda le journaliste avec une curiosité inquiète. |
Émile Zola 1870
|
||||||||
Aristide
n'était pas un coquin mais il pouvait le devenir. Il était de ces pâtes
qui deviennent ce que la cuisine de l'histoire en fait. Il lui aurait
fallu un instant d'insouciance, ou encore un déjeuner trop arrosé, pour
qu'il allât se mettre en danger. Son article hostile au coup d'État
n'était pas un acte de bravoure, ni même un acte de résistance
et moins
encore un acte de loyauté envers lui-même et envers ses lecteurs.
Aristide
était un calculateur et un joueur, or, rien encore, dans cette partie
incertaine, ne l'incitait à changer de pied. Il voulait bien perdre, mais il préférait gagner, mais surtout, il n'aurait pas supporté de perdre quand son frère aurait pu gagner. Les fils Rougon avaient toujours été rivaux et, si cette rivalité s'était un peu diluée par leur éloignement, elle demeurait l'un des facteurs d'explication du comportement d'Aristide. Il voulait avoir raison, mais surtout ne pas avoir tort contre son frère. Depuis qu'Eugène était reparti à Paris, les deux frères, distants depuis l'enfance, n'avaient pas correspondu et jamais Aristide ne se serait abaissé à demander à ses parents des nouvelles de son aîné. S'il ne l'estimait guère, il s'en méfiait, lui reconnaissant une obstination sourde qui était précisément celle qui lui manquait. En secret, il avait espéré que son frère lui donnât des nouvelles de la capitale. Il était persuadé que c'était lui qui faisait la stratégie des réactionnaires de Plassans. |
Daniel Diégèse 2014
|
||||||||
22 juillet | |||||||||
2009 | 2008 | 2007 | 2006 | 2005 | 2004 | 2003 | 2002 | 2001 | 2000 |
|
|
|
|
|
|
2013 | 2012 | 2011 | 2010 |