Diégèse | |||||||||
samedi 26 juillet 2014 | 2014 | ||||||||
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La Fortune des Rougon2 | |||||||||
Une heure plus tard,
Angèle arriva chez le libraire, en feignant une
vive émotion. « Mon mari vient de se blesser cruellement, dit-elle. Il s'est pris, en rentrant, les quatre doigts dans une porte. Il m'a, au milieu des plus vives souffrances, dicté cette petite note qu'il vous prie de publier demain. » Le lendemain, l'Indépendant, presque entièrement composé de faits divers, parut avec ces quelques lignes en tête de la première colonne : Un regrettable accident survenu à notre éminent collaborateur, M. Aristide Rougon, va nous priver de ses articles pendant quelques temps. Le silence lui sera cruel dans les graves circonstances présentes. Mais aucun de nos lecteurs ne doutera des vœux que ses sentiments patriotiques font pour le bonheur de la France. Cette note amphigourique avait été mûrement étudiée. La dernière phrase pouvait s'expliquer en faveur de tous les partis. De cette façon, après la victoire, Aristide se ménageait une superbe rentrée par un panégyrique des vainqueurs. Le lendemain, il se montra dans toute la ville, le bras en écharpe. Sa mère étant accourue, très effrayée par la note du journal, il refusa de lui montrer sa main et lui parla avec une amertume qui éclaira la vieille femme. « Ce ne sera rien, lui dit-elle en le quittant, rassurée et légèrement railleuse. Tu n'as besoin que de repos. » Ce fut sans doute grâce à ce prétendu accident et au départ du sous-préfet, que l'Indépendant dut de n'être pas inquiété comme le furent la plupart des journaux démocratiques des départements. |
Émile Zola 1870
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Ainsi,
parfois, et plus souvent qu'on ne le pense, les régimes
autoritaires trouvent des alliés inattendus et n'ont alors même pas
besoin de réduire au silence leur opposition, quand celle-ci,
compréhensive et poltronne, se bâillonne elle-même.
On a vu plusieurs de ces cas dans l'histoire et nul doute qu'on en
verra encore. La référence au sentiment patriotique est, elle aussi,
une technique usée qui veut qu'en des temps incertains, on s'en réfère
aux valeurs suprêmes, accusant ses opposant de les bafouer. Pendant
longtemps, ce fut Dieu qui fut appelé à cette sale besogne. Et on peut
craindre que ce ne soit pas terminé et que ce siècle et les siècles
suivants verront encore Dieu convoqué à des batailles dont il n'a
certainement rien à faire. Dieu ne suffisant pas toujours à la tâche,
on invoque alors la patrie, qui est mère nourricière et lien suprême
avec la terre. La patrie, cependant, n'a jamais voulu qu'entre eux ses
enfants se dévorent. La révolution a passé à la toise le sentiment
patriotique des citoyens. D'autres régimes le feront à l'avenir,
soyons-en certains. Aristide promena ainsi son bras en écharpe dans la ville pendant quelques jours, avec une ostentation qui pouvait intriguer. Quelques commères osèrent en sourire mais leurs maris les firent taire. L'odieuse sape de la crainte de la dénonciation avait déjà commencé à faire son travail. Cela faisait longtemps que tout Plassans savait que l'Indépendant n'avait de tel que son nom. C'était pourtant faire preuve d'indépendance sinon de courage que de se taire quand il aurait fallu parler et de se taire encore quand il aurait fallu crier. |
Daniel Diégèse 2014
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26 juillet |
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