Diégèse | |||||||||
dimanche 27 juillet 2014 | 2014 | ||||||||
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La Fortune des Rougon2 | |||||||||
La
journée du 4 se
passa à Plassans dans
un calme relatif. Il y eut, le soir, une manifestation populaire que la vue des gendarmes suffit à disperser. Un groupe d'ouvriers vint demander la communication des dépêches de Paris à M. Garçonnet, qui refusa avec hauteur ; en se retirant, le groupe poussa les cris de : Vive la République. Vive la Constitution ! Puis, tout rentra dans l'ordre. Le salon jaune, après avoir commenté longuement cette innocente promenade, déclara que les choses allaient pour le mieux. Mais les journées du 5 et du 6 furent plus inquiétantes. On apprit successivement l'insurrection des petites villes voisines ; tout le sud du département prenait les armes ; la Palud et Saint-Manin-de-Vaulx s'étaient soulevés les premiers, entraînant à leur suite les villages, Chavanoz, Nazères, Poujols, Valqueyras, Vemoux. Alors le salon jaune commença à être sérieusement pris de panique. Ce qui l'inquiétait surtout, c'était de sentir Plassans isolé au sein même de la révolte. Des bandes d'insurgés devaient battre les campagnes et interrompre toute communication. Granoux répétait d'un air effaré que M, le maire était sans nouvelles. Et des gens commençaient à dire que le sang coulait à Marseille et qu'une formidable révolution avait éclaté à Paris. Le commandant Sicardot, furieux de la poltronnerie des bourgeois, parlait de mourir à la tête de ses hommes. Le 7, un dimanche, la terreur fut à son comble. Dès six heures, le salon jaune, où une sorte de comité réactionnaire se tenait en permanence, fut encombré par une foule de bonshommes pâles et frissonnants, qui causaient entre eux à voix basse, comme dans la chambre d'un mort. On avait su, dans la journée, qu'une colonne d'insurgés, forte environ de trois mille hommes, se trouvait réunie à Alboise, un bourg éloigné au plus de trois lieues. On prétendait, à la vérité, que cette colonne devait se diriger sur le chef-lieu, en laissant Plassans à sa gauche, mais le plan de campagne pouvait être changé, et il suffisait, d'ailleurs, aux rentiers poltrons de sentir les insurgés à quelques kilomètres, pour s'imaginer que des mains rudes d'ouvriers les serraient déjà à la gorge. |
Émile Zola 1870
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Pour autant,
l'évocation des mains d'ouvriers leur enserrant
fermement le cou faisait frissonner les dames, et même quelques
messieurs. Cela peut, de prime abord, sembler paradoxal, mais, tout au
long de l'histoire, on pourrait pointer que l'on a toujours prêté aux
hordes d'hommes armés des vertus aphrodisiaques, que ces hommes soient
des soldats de la guerre étrangère ou de pauvres hères révoltés contre
leur suzerain ou ce qui en tient lieu. Le marquis, resté célibataire,
était particulièrement impressionné, et l'idée de ces hommes
dépoitraillés et suant lui donnait une sorte de chaleur qu'il ignorait
pouvoir encore ressentir. Félicité n'avait pas ce genre de frissons.
L'appât du gain avait chez elle remplacé toute autre forme d'émoi
possible. Elle était d'ailleurs prête à se défendre et à défendre ses
biens et malheur à qui pourrait oser porter la main sur l'une et sur
les autres. Rougon songeait surtout qu'il allait très certainement
devoir prendre des décisions et prendre des décision était ce qui, de
loin, lui paraissait le plus épuisant. On aurait dit que l'audace qui
l'avait pris quand il avait escroqué sa mère l'avait à jamais empli
d'une telle fatigue qu'il ne pourrait plus désormais retrouver
entièrement son énergie d'action. Quant aux autres, ils poursuivaient chacun leurs ruminations, voyant seulement dans ces événements le moyen de confirmer à la face du monde qu'ils avaient eu raison. Cette volonté insatiable d'avoir raison aura d'ailleurs coûté à l'humanité beaucoup de sang et de malheur. Tel homme face à l'évidence qu'il s'est trompé, cherchera malgré tout à persister dans le seul but d'avoir raison. Quand il s'agit d'un particulier, son obstination et son entêtement n'ont que des conséquences limitées qui peuvent cependant plonger une famille entière dans la ruine et la désolation. Quand il s'agit des dirigeants d'un pays, qui, au lieu de demander conseil et surtout de les suivre puis de venir, face au peuple, qui le comprendrait très bien, regretter de s'être trompés ; que ces dirigeants persistent dans leur erreur que le peuple entier peut constater, alors qu'eux-mêmes paraissent aveugles et sourds, alors, cette manie de vouloir avoir raison, contre les faits, contre les gens, contre le sens de l'histoire, cette manie-là, plonge le pays tout entier dans le désespoir et la colère. |
Daniel Diégèse 2014
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27 juillet |
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