Diégèse




lundi 28 juillet 2014



2014
ce travail est commencé depuis 5323 jours (5323 est un nombre premier) et son auteur est en vie depuis 19776 jours (26 x 3 x 103 jours)
ce qui représente 26,9165% de la vie de l'auteur
hier




L'atelier du texte demain
La Fortune des Rougon2




Ils avaient eu, le matin, un avant-goût de la révolte : les quelques républicains de Plassans, voyant qu'ils ne sauraient rien tenter de sérieux dans la ville, avaient résolu d'aller rejoindre leurs frères de la Palud et de Saint-Martin-de-Vaulx ; un premier groupe était parti, vers onze heures, par la porte de Rome, en chantant la Marseillaise et en cassant quelques vitres. Une des fenêtres de Granoux se trouvait endommagée. Il racontait le fait avec des balbutiements d'effroi.
Le salon jaune, cependant, s'agitait dans une vive anxiété. Le
commandant avait envoyé son domestique pour être renseigné sur la marche exacte des insurgés, et l'on attendait le retour de cet homme, en faisant les suppositions les plus étonnantes. La réunion était au complet. Roudier et Granoux, affaissés dans leurs fauteuils, se jetaient des regards lamentables, tandis que, derrière eux, geignait le groupe ahuri des commerçants retirés. Vuillet, sans paraître trop effrayé, réfléchissait aux dispositions qu'il prendrait pour protéger sa boutique et sa personne ; il délibérait s'il se cacherait dans son grenier ou dans sa cave, et il penchait pour la cave. Pierre et le commandant marchaient de long en large, échangeant un mot de temps à autre. L'ancien marchand d'huile se raccrochait à son ami Sicardot, pour lui emprunter un peu de son courage. Lui qui attendait la crise depuis si longtemps, il tâchait de faire bonne contenance, malgré l'émotion qui l'étranglait. Quant au marquis, plus pimpant et plus souriant que de coutume, il causait dans un coin avec Félicité, qui paraissait fort gaie.

La Fortune des Rougon
Émile Zola
1870
Le salon jaune était en somme victime de ses propres croyances, ayant dépeint des années durant les républicains comme des monstres sanguinaires et ayant rabâché sans cesse, et sans contradicteur, les mêmes histoires dans lesquelles leurs ennemis apparaissaient comme des brutes sans scrupules, ils étaient face à leur propre création, bien obligés de croire pour vraies leurs histoires forgées pour leur propagande. Prêter à son ennemi crimes et abominations est une technique qui a souvent été employée et qui le sera très certainement encore. Elle peut s'appliquer à ceux que l'on considère comme les ennemis de l'intérieur comme à ceux, au-delà des frontières, qui vont jusqu'à égorger et manger les enfants de leurs ennemis vaincus. Pour le salon jaune, les ouvriers républicains avaient fini par devenir des êtres sans foi ni loi, très différents de ceux qu'ils croisaient sur le marché, et peu importe que ce fussent les mêmes. Les ouvriers étaient pour sûr des sortes de loups-garous républicains dont l'appétit de sang revenait soudainement à l'appel de la Marseillaise. Pour une pierre lancée dans les fenêtres de Granoux, c'était dans leur imaginaire de bourgeois, toute une lapidation qui était dessinée.
Le marquis, habitué depuis des lustres à considérer les roturiers comme des êtres différents de lui et de sa lignée ne prêtait aux pauvres hères aucun mythe particulier. Dans ces cas-là, il se rapprochait davantage de Félicité, donnant à ceux qui les observaient encore plus de certitude sur sa possible paternité. Ils semblaient tous deux, dans leur coin, venir d'une autre planète.

Zola augmenté
Daniel Diégèse
2014










28 juillet






2009 2008 2007 2006 2005 2004 2003 2002 2001 2000






2013 2012 2011 2010