Diégèse | |||||||||
dimanche 22 juin 2014 | 2014 | ||||||||
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La Fortune des Rougon2 | |||||||||
« Ma mère est
pourtant une femme
intelligente,
ajoutait-il. Jamais je ne l'aurais crue capable de pousser son mari
dans un
parti dont les espérances sont chimériques. Ils vont achever de se
mettre sur
la paille. Mais les femmes n'entendent rien à la politique. » Lui,
voulait
se vendre, le plus cher possible. Sa grande inquiétude fut dès lors de
prendre
le vent, de se mettre toujours du côté de ceux qui pourraient, à
l'heure du
triomphe, le récompenser magnifiquement. Par malheur, il marchait en
aveugle ; il se sentait perdu, au fond de sa province, sans
boussole, sans
indications précises. En attendant que le cours des événements lui
traçât une
voie sûre, il garda l'attitude de républicain enthousiaste prise par
lui dès le
premier jour : grâce à cette attitude, il
resta à la
sous-préfecture ; on augmenta même ses appointements. Mordu
bientôt par le
désir de jouer un rôle, il détermina un libraire, un rival de
Vuillet, à fonder
un journal démocratique,
dont il devint un des rédacteurs les plus
âpres.
L'Indépendant fit, sous son impulsion, une guerre sans merci aux
réactionnaires. Mais le courant l'entraîna peu à peu, malgré lui, plus
loin
qu'il ne voulait aller ; il en arriva à écrire des articles
incendiaires
qui lui donnaient des frissons lorsqu'il les relisait. On remarqua
beaucoup, à Plassans,
une série d'attaques dirigées par le fils contre les
personnes que le
père recevait chaque soir dans le fameux salon jaune. La richesse des
Roudier et des
Granoux exaspérait Aristide au point de lui faire
perdre toute
prudence.
Poussé par ses aigreurs jalouses d'affamé, il s'était fait de la
bourgeoisie
une ennemie irréconciliable, lorsque l'arrivée d'Eugène et la façon
dont il se
comporta à Plassans
vinrent le consterner. Il accordait à son frère une
grande
habileté. Selon lui, ce gros garçon endormi ne sommeillait jamais que
d'un œil,
comme les chats à l'affût devant un trou de souris. Et voilà qu'Eugène
passait
les soirées entières dans le salon jaune, écoutant religieusement ces
grotesques que lui, Aristide, avait si impitoyablement
raillés. Quand
il sut,
par les bavardages de la ville, que son frère donnait des poignées de
main à
Granoux et en recevait
du marquis, il se demanda avec anxiété ce qu'il
devait
croire. Se serait-il trompé à ce point ? Les légitimistes ou
les
orléanistes auraient-ils
quelque chance de succès ? Cette pensée le terrifia, Il perdit son équilibre, et, comme il arrive souvent, il tomba sur les conservateurs avec plus de rage, pour se venger de son aveuglement. |
Émile Zola 1870
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Il
n'y avait dans les positions qu'il développait à longueur de pages aucune analyse sérieuse.
L'Indépendant se contentait de mauvais
pamphlets et d'attaques a persona plus ou moins dissimulées. Un
étranger, fût-il d'une sous-préfecture voisine, lisant le journal n'y
aurait rien compris et s'en serait détourné bien vite. Mais, n'est-ce
pas comme cela que tous les journaux fonctionnent, qui ne pensent pas
que leurs lecteurs peuvent supporter de lire des analyses
sérieuses ?
Ce qui tue et qui tuera le journal est à coup sûr la nécessité dans
laquelle se croient les journalistes de donner des exemples et des
faits divers. Un exemple et un fait divers durent encore moins que les
fleurs, car les fleurs, elles, ont une consistance de fleurs quand les
faits divers n'ont dans la réalité aucune consistance. Ils ne sont que
le retentissement que provoque quelque chose qui aurait pu nous
arriver. Il n'ont donc d'intérêt que parce qu'ils sont arrivés à
d'autres : parce qu'ils ne se sont pas
passés et que pourtant cela s'est passé. Il y a ainsi une manière de
faire de la politique qui reprend la technique du fait divers. Il
suffit de dire que le gouvernement va prendre un décision, qu'il aurait
pu la prendre, qu'il en avait l'intention, pour lui donner de la
réalité et des conséquences dans l'âme de la population. Tous les
gouvernements, depuis que les journaux existent, se sont vu affubler de
décisions dont ils n'avaient pas l'idée et qui parfois même, ont causé
leur chute. Force est de remarquer cependant que ce genre d'attaques
n'est jamais aussi virulent que lorsque le gouvernement est
républicain, ou, pour le moins, réformateur. Car les journaux, et ce,
quelles que soient les opinions qu'ils professent ou qu'ils défendent,
sont toujours du côté d'un ordre établi. S'appuyant sur un système de
pensée et refusant de penser ou de se laisser surprendre par la pensée,
c'est à dire par le travail de la pensée, ils ne font jamais que
conforter l'opinion commune que l'on se fait des choses. Ainsi, pour
comprendre le monde et tenter de le percevoir, ne faudrait-il jamais
lire aucun journal. De même, l'écrivain sérieux ne devrait accepter d'y
écrire qu'en sachant exactement ce qu'il fait. Il est possible de les
utiliser comme porte voix quand il devient nécessaire de donner de la
voix. Aristide était républicain parce qu'il était pauvre. Ce n'était pas d'ailleurs une si mauvaise raison et il en faisait un système. |
Daniel Diégèse 2014
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22 juin |
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