Diégèse | |||||||||
vendredi 21 novembre 2014 | 2014 | ||||||||
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La Fortune des Rougon2 | |||||||||
Mais ni l'un ni
l'autre ne s'endormirent ; au bout d'un quart d'heure,
Pierre, qui
regardait au plafond une tache ronde de la veilleuse, se
tourna, et, à voix très basse, communiqua à sa femme une idée qui
venait de pousser dans son cerveau. « Oh ! non, non, murmura Félicité avec un frisson. Ce serait trop cruel. – Dame ! reprit-il, tu veux que les habitants soient consternés !… On me prendrait au sérieux, si ce que je t'ai dit arrivait… » Puis, son projet se complétant, il s'écria : « On pourrait employer Macquart… Ce serait une façon de s'en débarrasser. » Félicité parut frappée par cette idée. Elle réfléchit, elle hésita, et, d'une voix troublée, elle balbutia : « Tu as peut-être raison… C'est à voir… Après tout, nous serions bien bêtes d'avoir des scrupules ; il s'agit pour nous d'une question de vie ou de mort… Laisse-moi faire, j'irai demain trouver Macquart et je verrai si l'on peut s'entendre avec lui. Toi, tu te disputerais, tu gâterais tout… Bonsoir, dors bien, mon pauvre chéri… Va, nos peines finiront. » Ils s'embrassèrent encore, ils s'endormirent. Et, au plafond, la tache de lumière s'arrondissait comme un œil terrifié, ouvert et fixé longuement sur le sommeil de ces bourgeois blêmes, suant le crime dans les draps, et qui voyaient en rêve tomber dans leur chambre une pluie de sang, dont les gouttes larges se changeaient en pièces d'or sur le carreau. |
Émile Zola 1870
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Pierre
avait pris sa femme au mot, qui lui avait rendu du courage et de la
détermination, comme reprend des forces un homme affamé qui peut enfin
se restaurer. Le courage aussi peut être contagieux, comme peuvent
l'être la peur et la honte et l'on a vu ainsi des couards menés au
combat par un seul homme brave et se révéler héroïques. Mais, dans la
chambre des Rougon, l'heure n'était pas à la grandeur. Ils n'avaient
jamais eu cette forme d'ambition. L'heure était au stratagème. Ils
avaient un plan. Ils le mettraient en œuvre. Et, déjà, avant même de
l'avoir entrepris, ce plan pesait sur leurs consciences endurcies comme
un mets trop lourd pèse sur l'estomac du dormeur. Quiconque les aurait
regarder dormir, petites gens aux désirs fétides, aurait mieux compris
pourquoi les religions avaient imaginé le péché originel. Ce péché,
c'est le goût de l'argent, c'est la convoitise. Et plus l'enjeu
est
faible, plus le péché est grand. Eussent-ils rêvé de châteaux en
Espagne et de rivières de diamant qu'ils en eussent presque été absous.
C'est d'ailleurs pourquoi on vend souvent aux pauvres des rêves
luxueux. Cela leur évite de rêver à l'essentiel et à revendiquer cet
essentiel. La convoitise de richesses provoque rarement des drames.
Celle d'un poste de receveur particulier peut engendrer un crime
atroce, et c'était à ce crime atroce que les Rougon, jusque dans leur
sommeil, se préparaient. La nuit passait doucement sur leurs faces figées, déjà comme mortes. |
Daniel Diégèse 2014
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21 novembre | |||||||||
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