Diégèse




samedi 4 octobre 2014



2014
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La Fortune des Rougon2




Brusquement, ils débouchèrent juste en face d'Orchères.
De grands cris de joie, des brouhahas de foule leur arrivaient, clairs dans l'air limpide. La bande insurrectionnelle entrait à peine dans la ville
. Miette et Silvère y pénétrèrent avec les traînards. Jamais ils n'avaient vu un enthousiasme pareil. Dans les rues, on eût dit un jour de procession, lorsque le passage du dais met les plus belles draperies aux fenêtres. On fêtait les insurgés comme on fête des libérateurs. Les hommes les embrassaient, les femmes leur apportaient des vivres. Et il y avait, sur les portes, des vieillards qui pleuraient. Allégresse toute méridionale qui s'épanchait d'une façon bruyante, chantant, dansant, gesticulant.
Comme Miette passait, elle fut prise dans une immense farandole qui tournait sur la Grand-Place. Silvère la suivit.
Ses idées de mort, de découragement, étaient loin à cette heure. Il voulait se battre, vendre du moins chèrement sa vie. L'idée de la lutte le grisait de nouveau. Il rêvait la victoire, la vie heureuse avec
Miette, dans la grande paix de la République universelle.

La Fortune des Rougon
Émile Zola
1870
Les foules du Sud, davantage que les foules du Nord, aiment les rassemblements qui, soudainement, peuplent les rues de flots humains colorés et chantants. Toute occasion est bonne pour descendre de chez soi, improviser entre voisins des danses rythmées au tambourin. Des voix s'élèvent. C'est un chant de fête ou de révolution, et les voix des hommes, ces voix méridionales de ténor léger, s'enflent et se mêlent aux voix des femmes qui s'élèvent vers les cimes des platanes de la place. La République aime ces déferlements de ferveur patriotique, comme l'ont aimé avant elle tous les régimes qui se sont succédés. Faudrait-il empêcher la foule du midi de danser et de chanter dans les rues que le soleil lui-même pourrait bien hésiter à se lever. et la fête a sur ceux qui y participent des effets incroyables qui s'apparentent aux pouvoirs de drogues puissantes. Le timide se remplit soudainement d'audace. La vieille, l'instant d'avant courbée par le poids des ans se redresse et ses pieds déformés esquissent un pas de danse. Silvère, par nature enclin à l'enthousiasme, ne pouvait porté par la liesse que se sentir invincible. Sans doute en cet instant l'était-il.
Zola augmenté
Daniel Diégèse
2014
Cette réception fraternelle des habitants d'Orchères fut la dernière joie des insurgés. Ils passèrent la journée dans une confiance rayonnante, dans un espoir sans bornes. Les prisonniers, le commandant Sicardot, MM. Garçonnet, Peirotte et les autres, qu'on avait enfermés dans une salle de la mairie, dont les fenêtres donnaient sur la Grand-Place, regardaient, avec une surprise effrayée, ces farandoles, ces grands courants d'enthousiasme qui passaient devant eux.
« Quels
gueux ! murmurait le commandant, appuyé à la rampe d'une fenêtre, comme sur le velours d'une loge de théâtre ; et dire qu'il ne viendra pas une ou deux batteries pour me nettoyer toute cette canaille ! » Puis il aperçut Miette, il ajouta, en s'adressant à M. Garçonnet :
«
Voyez donc, monsieur le maire, cette grande fille rouge, là-bas. C'est une honte. Ils ont traîné leurs créatures avec eux. Pour peu que cela continue, nous allons assister à de belles choses. »
M. Garçonnet hochait la tête, parlant « des passions déchaînées » et « des plus mauvais jours de notre histoire ».
M. Peirotte, blanc comme un linge, restait silencieux ; il ouvrit une seule fois les lèvres, pour dire à Sicardot, qui continuait à déblatérer amèrement :
« Plus bas donc
, monsieur vous allez nous faire massacrer. » La vérité était que les insurgés traitaient ces messieurs avec la plus grande douceur. Ils leur firent même servir, le soir, un excellent dîner. Mais, pour des trembleurs comme le receveur particulier, de pareilles attentions devenaient effrayantes : les insurgés ne devaient les traiter si bien que dans le but de les trouver plus gras et plus tendres, le jour où ils les mangeraient.

La Fortune des Rougon
Émile Zola
1870
Pour les bourgeois, le peuple n'est composé que de sauvages barbares  sanguinaires et aux mœurs dévoyées. Il en est ainsi de toutes les époques et de tous les lieux. Le bourgeois est sédentaire et le peuple, même sédentarisé depuis des siècles, demeure pour le propriétaire, ce nomade qui ne paie pas son loyer. Les bourgeois des villes respectent les pauvres des campagnes, dans un réflexe de survie qui les fait penser que sans eux, ils ne trouveraient plus de quoi se nourrir. Mais il méprise au plus haut point le pauvre des villes, le lorgnant d'un œil soupçonneux et détournant la tête quand la pauvreté se fait plus âpre et trop voyante sur le chemin de l'hôtel de ville ou vers la porte de l'église. Qu'un de ces gueux se jette sous ses pieds pour lui demander l'aumône qu'il fait un bond en arrière, effrayé, comme s'il avait croisé un nœud de vipères. Alors, que ces gueux s'assemblent et se mettent à crier, à chanter, à danser, pour revendiquer de l'argent et des libertés, et le bourgeois frémit, sait sa dernière heure venue. M. Peirotte, qui, sous son air poltron et effacé, avait quelques lettres, savait comment la foule, les jours de révolution, peut devenir incontrôlable. Il écrivait l'histoire, et la réécrivait, celle qui, d'un rassemblement de gueux à l'assaut d'un prison à moitié vide, aboutit à décapiter un roi et une reine ainsi que les plus hautes têtes de la noblesse française. Il savait aussi qu'en tant que receveur particulier, il était plus menacé comme le sont dans les temps de révolte les percepteurs de tout poil. Qu'un de ses créanciers malheureux, de ceux qu'il faisait jeter en dehors de chez eux pour quelques francs qui leur manquaient, vînt à le reconnaître, et il était certain que sa dernière heure viendrait. Mais la peur et la crainte, mauvaises conseillères, n'ont en fait aucun poids sur les destinées des hommes. Il arriverait à M. Peirotte ce qu'il devait lui arriver.
Zola augmenté
Daniel Diégèse
2014










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