Diégèse




vendredi 10 octobre 2014



2014
ce travail est commencé depuis 5397 jours (3 x 7 x 257 jours) et son auteur est en vie depuis 19850 jours (2 x 52 x 397 jours)
ce qui représente 27,1889% de la vie de l'auteur sept cent soixante-et-onze semaines d'écriture
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La Fortune des Rougon2




Il y eut brusquement un grand silence. À une des fenêtres de la Mule-Blanche, la tête blafarde de M. Peirotte apparut.
Il parlait, il faisait des gestes.
« Rentrez, fermez les
volets, crièrent les insurgés furieusement ; vous allez vous faire tuer. » Les volets se fermèrent en toute hâte, et l'on n'entendit plus que les pas cadencés des soldats qui approchaient.
Une minute s'écoula, interminable. La troupe avait disparu ; elle était cachée dans un pli de terrain, et bientôt les
insurgés aperçurent, du côté de la plaine, au ras du sol, des pointes de baïonnettes qui poussaient, grandissaient, roulaient sous le soleil levant, comme un champ de blé aux épis d'acier. Silvère, à ce moment, dans la fièvre qui le secouait, crut voir passer devant lui l'image du gendarme dont le sang lui avait taché les mains ; il savait, par les récits de ses compagnons, que Rengade n'était pas mort, qu'il avait simplement un œil crevé ; et il le distinguait nettement, avec son orbite vide, saignant, horrible. La pensée aiguë de cet homme, auquel il n'avait plus songé depuis son départ de Plassans, lui fut insupportable. Il craignit d'avoir peur. Il serrait violemment sa carabine, les yeux voilés par un brouillard, brûlant de décharger son arme, de chasser l'image du borgne à coups de feu. Les baïonnettes montaient toujours, lentement.

La Fortune des Rougon
Émile Zola
1870
Le danger, quand il est imminent, produit dans le corps et dans l'esprit une excitation curieuse qui va parfois jusqu'à relever de l'hallucination. Silvère n'aurait su dire si Rengade était vraiment parmi la troupe qui partait à l'assaut de ces gueux rassemblés sur le cours de Saint-Roure ou s'il s'agissait d'une image mentale, insistante, obsédante, posée là devant ses yeux pour l'obliger à agir et à se défendre. Certaines civilisations ont utilisé ces réactions instinctives de défense en les amplifiant. On dit que les membres de la secte qui a donné son nom au terme « assassin » que l'on use désormais habituellement, et dont l'un des membres tua Conrad de Montferrat, roi du royaume latin de Jérusalem,donnait à ses membres avant de les envoyer commettre un crime, un breuvage euphorisant qui leur provoquait des hallucinations. Mais ce ne sont que des légendes car il n'y a pas breuvage plus puissant que l'exaltation que peut provoquer certaines substances produites par le corps lui-même. Ce sont sans doute de lointains souvenirs de notre passé animal, lorsqu'il s'agissait d'échapper d'une façon soudaine à l'un de nos prédateurs. et c'était cette image de prédateur d'un temps très ancien que la face énucléée de Rengade avait remplacée dans l'esprit enfiévré du jeune Silvère. Tous ses muscles étaient bandés, sa tête était échauffée. Il frémissait comme un jeune animal, prêt à l'attaque après une longue veille. Encore un peu et on l'aurait entendu grogner de rage.
Zola augmenté
Daniel Diégèse
2014










10 octobre






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