Diégèse




lundi 20 octobre 2014



2014
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La Fortune des Rougon2




Dans les rues, ils s'avancèrent le long des maisons, muets, sur une seule file, comme des sauvages qui partent pour la guerre. Rougon avait tenu à honneur de marcher en tête ; l'heure était venue où il devait payer de sa personne, s'il voulait le succès de ses plans ; il avait des gouttes de sueur au front, malgré le froid, mais il gardait une allure très martiale. Derrière lui, venaient immédiatement Roudier et Granoux. À deux reprises, la colonne s'arrêta net ; elle avait cru entendre des bruits lointains de bataille ; ce n'était que les petits plats à barbe de cuivre, pendus par des chaînettes, qui servent d'enseigne aux perruquiers du Midi, et que des souffles de vent agitaient. Après chaque halte, les sauveurs de Plassans reprenaient leur marche prudente dans le noir, avec leur allure de héros effarouchés, Ils arrivèrent ainsi sur la place de l'Hôtel-de-Ville. Là, ils se groupèrent autour de Rougon, délibérant une fois de plus. En face d'eux, sur la façade noire de la mairie, une seule fenêtre était éclairée. Il était près de sept heures, le jour allait paraître.
La Fortune des Rougon
Émile Zola
1870
Cette quarantaine de bourgeois et de petits commerçants mâtinée de quelques rentiers était ridicule. Y aurait-il eu cinq braves, entraînés et organisés, disposés en faction devant la porte qu'ils se seraient enfuis, abandonnant derrière eux leurs fusils et leurs cartouches. La troupe des insurgés qui, quelques heures auparavant, avait occupé la place de l'hôtel de ville était, certes, disparate, mais elle était portée par l'enthousiasme de la conviction, par cet élan que seule la foi peut donner. Ils n'étaient pas davantage soldats que ne l'étaient Rougon et ses acolytes, mais ils étaient grands de la grandeur de leur cause. Les manifestations réactionnaires, quand bien même elles convoquent Dieu, ou l'idée qu'elles s'en font, ont toujours ceci de risible qu'elles ressemblent à des manifestations collectives mais qu'elles ne sont que l'amas rance de petits intérêts et d'étroitesse d'esprit. Et cela se voit, dans leur façon même de marcher, de parler et de se rassembler. Car, il y a ceux qui aspirent à l'élévation des hommes et ceux qui ne veulent que les soumettre et cela n'est pas égal à ceci.
Zola augmenté
Daniel Diégèse
2014
Après dix bonnes minutes de discussion, il fut décidé qu'on avancerait jusqu'à la porte, pour voir ce que signifiait cette ombre et ce silence inquiétants. La porte était entrouverte. Un des conjurés passa la tête et la retira vivement, disant qu'il y avait, sous le porche, un homme assis contre le mur, avec un fusil entre les jambes, et qui dormait. Rougon, voyant qu'il pouvait débuter par un exploit, entra le premier, s'empara de l'homme et le maintint, pendant que Roudier le bâillonnait. Ce premier succès, remporté dans le silence, encouragea singulièrement la petite troupe, qui avait rêvé une fusillade très meurtrière. Et Rougon faisait des signes impérieux pour que la joie de ses soldats n'éclatât pas trop bruyamment.
Ils continuèrent à avancer sur la pointe des pieds. Puis, à gauche, dans le poste de police qui se trouvait là, ils aperçurent une quinzaine d'hommes couchés sur un lit de camp, ronflant dans la lueur mourante d'une lanterne accrochée au mur
. Rougon, qui décidément devenait un grand général, laissa devant le poste la moitié de ses hommes, avec l'ordre de ne pas réveiller les dormeurs, mais de les tenir en respect et de les faire prisonniers, s'ils bougeaient. Ce qui l'inquiétait, c'était cette fenêtre éclairée qu'ils avaient vue de la place ; il flairait toujours Macquart dans l'affaire et, comme il sentait qu'il fallait d'abord s'emparer de ceux qui veillaient en haut, il n'était pas fâché d'opérer par surprise, avant que le bruit d'une lutte les fit se barricader. Il monta doucement, suivi des vingt héros dont il disposait encore.
Roudier commandait le détachement resté dans la cour.

La Fortune des Rougon
Émile Zola
1870
La progression de la petite troupe ressemblait beaucoup à celle du chat botté du conte, quand celui-ci progresse pour aller à la rencontre de l'ogre qu'il veut déloger du château pour le donner à son maître qu'il a appelé et fait appeler « le marquis de Carabas ». D'ailleurs, à mieux y réfléchir, le coup d'État bonapartiste ressemblait beaucoup au conte de Charles Perrault. et il aura fallu que la République devenue ogre pour l'occasion, se transformât devant le chat en petit rat des champs pour que ce dernier la croquât et n'établît son maître sur le royaume de France. Car, en ces premiers jours du mois de décembre 1851, le futur empereur n'avait de pouvoir que celui que les conteurs de son entourage avaient des années durant, patiemment, vendu aux gazettes française et étrangère. Le nom de « Bonaparte » sonnait alors aussi bien que celui de « Carabas ». Longtemps, ses affidés, tels Eugène Rougon, avaient, comme dans le conte, envoyé des chapons et beaucoup de gibier à la République qui s'était douillettement installée. Et dans le même temps, le nom de Bonaparte était présenté comme la solution à tous les problèmes du temps. Il faisait trop chaud : la faute en allait à la République et Bonaparte seul pouvait faire pleuvoir. Qu'il plût, neigeât et ventât ? Peu importait : Bonaparte allait rétablir le climat. Le peuple, courbé sous les fardeaux et rêvant d'un avenir meilleur, peut se laisser abuser par ces figures providentielles que l'on construit pour lui. Qu'on lui donne de surcroit du pain et des jeux et les dés sont jetés, le peuple va tomber. Il en est ainsi depuis fort longtemps et nul doute qu'il en sera encore ainsi dans les siècles à venir.
Zola augmenté
Daniel Diégèse
2014










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