Diégèse
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lundi 17 août
2015 |
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2015 |
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L'atelier du texte |
demain |
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#ZOLA - #FortunedesRougon |
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Bientôt,
l'oncle et le neveu se virent deux et trois fois par semaine. Pendant
leurs longues discussions, le sort du pays était décidé. |
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À chaque
visite du jeune
homme, les mêmes scènes se reproduisaient. Le père avalait quelque
ragoût de pommes de terre en grognant. |
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Alep 2011 - Décalque |
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en continu |
Marwan chercha donc à attirer
Selim chez lui, en
affichant une
admiration immodérée pour les idées du jeune homme. Dès le début, il
faillit tout compromettre : il avait une façon intéressée de
considérer
le triomphe de la Révolution, comme une ère d'heureuse
fainéantise et
de mangeailles sans fin, qui froissa les aspirations purement morales
de son neveu. Il comprit qu'il faisait fausse route, il se jeta dans un
pathos étrange, dans une enfilade de mots creux et sonores, que
Selim accepta comme une
preuve suffisante de civisme. Bientôt, l'oncle et le
neveu se virent deux et trois fois par semaine. Pendant leurs longues
discussions, où le sort du pays était carrément décidé, Marwan essaya
de persuader le jeune homme que le salon des Raqqaoui était l'un des
principaux obstacles au
bonheur de la Syrie.
Mais, de nouveau, il fit fausse route en appelant sa mère
« vieille
coquine » devant Selim. Il alla jusqu'à lui
raconter les anciens
scandales de la pauvre vieille. Le jeune homme, rouge de honte,
l'écouta sans l'interrompre. Il ne lui demandait pas ces choses, il fut
navré d'une pareille confidence, qui le blessait dans ses tendresses
respectueuses pour sa grand-mère. À partir de ce jour, il
entoura Khale
Didi de plus de soins,
il eut pour elle de bons sourires et de
bons regards de pardon. D'ailleurs, Marwan s'était aperçu qu'il avait
commis une bêtise, et il s'efforçait d'utiliser les tendresses de
Selim
en accusant les Raqqaoui de l'isolement et de la
pauvreté
d''Oum Kemal. À
l'entendre, lui avait toujours été le meilleur des
fils,
mais son frère s'était conduit d'une façon ignoble ; il avait
dépouillé
sa mère, et aujourd'hui qu'elle n'avait plus le sou, il rougissait
d'elle. C'était, sur ce sujet, des bavardages sans fin. Selim s'indignait contre l'oncle
Kemal, au grand
contentement de l'oncle
Marwan. |
À
chaque visite du jeune homme, les mêmes scènes se reproduisaient. Il
arrivait, le soir, pendant le dîner de la famille. Le père
avalait quelque ragoût de pommes de terre en grognant. Il triait les
morceaux, et suivait des yeux le plat, lorsqu'il passait aux
mains de Mounir et de
Gina.
« Tu vois, Selim, disait-il avec une rage
sourde qu'il cachait
mal
sous un air d'indifférence ironique, encore des pommes de terre,
toujours des pommes de terre ! Nous ne mangeons plus que de ça. La
viande, c'est pour les riches. Il devient impossible de joindre les
deux bouts, avec des enfants qui ont un appétit de tous les
diables. » Gina et Mounir baissaient le nez dans
leur assiette, n'osant
plus se servir du pain. Selim, vivant au ciel dans son
rêve, ne se
rendait
nullement compte de la situation.
Il prononçait d'une voix tranquille ces paroles grosses d'orage :
« Mais, mon oncle, tu devrais travailler.
– Ah ! oui, ricanait Marwan touché au vif de sa
plaie, tu
veux que je
travaille, n'est-ce pas ? pour que ces gueux de riches spéculent
encore
sur moi. Je gagnerais peut-être quelques livres à m'exterminer le
tempérament. Ça vaut bien la peine !
– On gagne ce qu'on peut, répondait le jeune homme.
mille livres,
c'est mille livres,
et ça aide dans une maison…
D'ailleurs, tu es un
ancien soldat, pourquoi ne cherches-tu pas
un emploi de fonctionnaire ? » Yasmine intervenait alors, avec
une étourderie dont
elle se
repentait bientôt.
« C'est ce que je lui répète tous les jours, disait-elle. Ainsi
l'inspecteur du marché a besoin d'un aide ; je lui ai parlé de mon
mari, il paraît bien disposé pour nous… » Marwan l'interrompait
en la
foudroyant d'un regard.
« Eh ! tais-toi, grondait-il avec une colère contenue. Ces
femmes ne
savent pas ce qu'elles disent ! On ne voudrait pas de moi. On
connaît
trop bien mes opinions. » À chaque place qu'on lui offrait, il
entrait
ainsi dans une irritation profonde. Il ne cessait cependant de demander
des emplois, quitte à refuser ceux qu'on lui trouvait, en alléguant les
plus singulières raisons. Quand on le poussait sur ce point, il
devenait terrible.
Si Mounir, après le
dîner, prenait un journal :
« Tu ferais mieux d'aller te coucher. Demain tu te lèveras tard,
et ce
sera encore une journée de perdue… Dire que ce galopin-là a rapporté
moins la semaine dernière ! Mais j'ai prié son
patron de
ne plus lui remettre son argent. Je le toucherai moi-même. »
Mounir allait se
coucher, pour ne pas entendre les récriminations de son père.
Il sympathisait peu avec Selim ; la politique l'ennuyait,
et il
trouvait que son cousin était « toqué ». |
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