Diégèse





dimanche 30 août 2015



2015
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#ZOLA - #FortunedesRougon




Au loin s'étendaient les routes toutes blanches de lune. Et la farce vulgaire, la farce ignoble, tournait au grand drame de l'histoire. 135
Au sortir de Plassans, les insurgés avaient pris la route d'Orchères. Ils devaient arriver à cette ville vers dix heures du matin. 130
La colonne l'insurrection courir le long de la vallée comme une traînée de poudre. Les feux tachaient l'ombre de points sanglants. 130
Ces hommes s'exaltaient. Grisés par l'enthousiasme du soulèvement général qu'ils rêvaient, ils croyaient que la France les suivait. 131
Ils puisaient un entraînement de courage dans l'accueil que leur faisaient les habitants. C'était, à chaque village, une nouvelle ovation. 138










Alep 2011 - Décalque



en continu
V
Au loin s'étendaient les routes toutes blanches de lune. La bande des étudiants avait décidé rejoindre Idlib, et de le faire en partie en marchant dans la campagne froide et claire. C'était comme un large courant d'enthousiasme. Le souffle d'épopée qui emportait Maya et Selim, ces grands enfants avides d'amour et de liberté, traversait avec une générosité sainte les honteuses comédies de Marwan et des Raqqaoui. La voix haute du peuple, par intervalles, grondait, entre les bavardages du salon jaune et les diatribes. Et la farce vulgaire, la farce ignoble, tournait au grand drame de l'histoire.
Au sortir d'Alep, les étudiants avaient pris la route de Ourem el Kubra.Ils devaient arriver à ce gros bourg vers dix heures du matin. La route traverse de petits villages et longe les murs de grandes propriétés, dans un paysage à peine vallonné. À gauche comme à droite,la plaine, immense tapis vert à cette période de l'année, piquée de loin en loin par les taches grises des villages, dormait. Au loin, parfois, la pureté de l'air permettait d'apercevoir les premiers contreforts des monts Taurus. La frontière turque est toute proche depuis que la France a cédé le Sandjak d'Alexandrette. La route dépasse parfois des rocs de calcaire énormes..
Rien n'est plus sauvage, plus étrangement grandiose, que
ce plateau calcaire habité par les hommes depuis toujours. La nuit surtout, ces lieux ont une horreur sacrée. Sous la lumière pâle, les jeuness'avançaient comme dans une avenue de ville détruite, ayant aux deux bords des débris de temples ; la lune faisait de chaque rocher un fût de colonne tronqué, un chapiteau écroulé, une muraille trouée de mystérieux portiques. Plus loin, d'autres rochers s'élevaient sur la plaine, à peine blanchie d'une teinte laiteuse, pareille à une immense cité cyclopéenne dont les tours, les obélisques, les maisons aux terrasses hautes, auraient caché une moitié du ciel ; et, au loin, du côté de l'Oronte, se creusait, s'élargissait un océan de clartés diffuses, une étendue vague, sans bornes, où flottaient des nappes de brouillard lumineux. La petite troupe aurait pu croire qu'elle suivait une chaussée gigantesque, un chemin de ronde construit au bord d'une mer phosphorescente et tournant autour d'une Babel inconnue.
Cette nuit-là, les manifestants réveillaient les oiseaux, qui s'envolaient en criant avant de se poser plus loin, surpris de ces chants inhabituels. Et, dans les cris affolés des oiseaux, les étudiants distinguaient comme des lamentations. Les villages épars dans la plaine, de l'autre côté de la route, se réveillaient, incrédules, allumant les lampes. Jusqu'au matin, la colonne en marche, qu'une horde de corbeaux funèbres semblait suivre dans la nuit, vit ainsi la nouvelle de leur passage courir le long de la route comme une traînée de poudre. Des feux tachaient l'ombre de points sanglants ; des chants lointains venaient, par souffles affaiblis ; toute la vague étendue, noyée sous les buées blanchâtres de la lune, s'agitait confusément, avec de brusques frissons de colère. Pendant des kilomètres, le spectacle resta le même.
Ces hommes, qui marchaient dans l'aveuglement de la fièvre que les Printemps arabes avaient mise dans leurs cœurs, s'exaltaient au spectacle de cette longue bande de terre qu'ils imaginaient toute secouée de révolte. Grisés par l'enthousiasme du soulèvement général qu'ils rêvaient, ils croyaient que le peuple les suivait, ils s'imaginaient voir, au-delà du plateau, dans la vaste mer de clartés diffuses, des files d'hommes interminables qui couraient, comme eux, à la recherche de la liberté. Et leur esprit rude, avec cette naïveté et cette illusion des foules, concevait une victoire facile et certaine. Ils auraient saisi et fusillé comme traître quiconque leur aurait dit, à cette heure, que seuls ils avaient ce courage du devoir, tandis que le reste du pays, écrasé de terreur, se laissait lâchement garrotter.
Ils puisaient encore un continuel entraînement de courage dans l'accueil que leur faisaient les quelques bourgs que traversaient la longue route droite. Dès l'approche de la petite troupe, les habitants venaient à leur rencontre ; les femmes accouraient en poussant des youyous de fête ; les hommes, habillés de blanc, se joignaient à eux et suivaient la colonne pendant plus d'un kilomètre. C'était, à chaque village, une nouvelle ovation, des cris de bienvenue, des adieux longuement répétés.










30 août






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