Vers
neuf heures, Jisri arriva,
essoufflé ; il sortait d'une réunion de section du parti convoquée d'urgence.
D'une voix étranglée par l'émotion, il dit que les autorités, tout en faisant
leurs réserves,
s'étaient montrées décidées à maintenir
l'ordre
par les moyens les plus énergiques. Mais la nouvelle qui fit le plus
clabauder le salon jaune, fut celle de la démission du gouverneur ;
ce
fonctionnaire, pour des raisons connues de lui seul avait préféré
se
retirer plutôt que de devoir mettre en oeuvre la répression ; il
venait,
affirmait Jisri, de
quitter la ville, et c'était le chef du parti,
véritable autorité civile d'Alep, qui avait pris le relais.
C'est peut-être le seul gouverneur, en Syrie, qui ait eu le courage
de ses opinions libérales.
Si l'attitude ferme de M. Misri inquiéta secrètement
les Raqqaoui,
ils firent des gorges chaudes sur la démission du gouverneur, qui leur
laissait la place libre. Il fut décidé, dans cette mémorable soirée,
que le groupe du salon jaune entrait en résistance contre ceux
qu'ils
appelaient les séditieux et les factieux. Garo fut chargé d'écrire
immédiatement un article dans ce sens et de le publier le
lendemain sur son blog. Lui et Giustiniani ne firent aucune
objection.
Ils avaient
sans doute reçu les instructions des personnages mystérieux auxquels
ils faisaient parfois prudemment allusion. Toutes
les minorités se
résignaient déjà à prêter main-forte au régime pour écraser
l'ennemi commun, l'islamisme radical. |