Une
seule
fois par semaine, le vendredi, et surtout dans la belle saison,
les quartiers d'Alep se mélangent. Toute la
ville se promène dans les rues et les enfants ont habillés pour la
circonstance. C'est le jour de la prière et c'est un jour de fête. Le
dimanche, les Chrétiens ne sont pas en reste et il fut un temps, pas si
lointain, où les Juifs d'Alep, pouvaient faire shabbat. La promenade la
plus prisée est celle qui longe la rivière. C'est de ce
côté que se trouvent nombre de cafés, d'hôtels et de
restaurants. Avec
cette forme de corniche, Alep se donne de faux airs de Beyrouth et, il
y a vingt ou trente ans, on se croyait parfois à Naples tant les
boulevards prenaient un tour de passegiatta. Le luxe, c'est bien sûr de
pouvoir faire cette promenade en voiture et l'on voit souvent des
jeunes et des moins jeunes passer et repasser, puis repasser encore.
C'était ainsi que le voyageur de la fin du vingtième siècle découvrait
que la Syrie, qui lui semblait lointaine, était méditerranéenne avant
que d'être arabe. La mosaïque des peuples et des religions qui
caractérisent la Syrie, et la grande ville d'Alep tout
particulièrement, semblait alors le gage d'une tolérance millénaire qui
ne se démentirait pas. À l'ombre de la citadelle d'Abraham, Alep
chérissait ses enfants, sans se soucier de savoir quelle était leur
religion, et même s'ils en avaient vraiment une. Dans les cafés de la
citadelle se nouaient depuis longtemps des conversations philosophiques
et littéraires. Parfois, on parlait même de politique. |