Diégèse





vendredi 13 novembre 2015



2015
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#ZOLA - #FortunedesRougon




Rougon et Granoux comprirent que la situation devenait intolérable. Ils avaient peur de passer une seconde nuit sur la terrasse de l'hôtel. 139
Rougon déclara gravement que, l'état des choses demeurant le même, il n'y avait pas lieu de rester en permanence. Roudier veillait à Porte. 139
Pierre rentra. Il sentait autour de lui Plassans lui devenir hostile. Il entendait courir son nom, avec des paroles de colère et de mépris. 139
L'impopularité des Rougon était l'œuvre d'avocats qui se trouvaient très vexés de l'importance qu'avait prise un ancien marchand illettré. 138










Alep 2011 - Décalque



en continu
En rentrant au gouvernorat, Raqqaoui et l'inséparable Ghali comprirent que la situation devenait intolérable. Pendant leur absence, un nouveau membre de la commission avait disparu. Ils n'étaient plus que quatre. Ils se sentirent ridicules, la face blême, à se regarder, pendant des heures, sans rien dire. Puis ils avaient une peur atroce de passer une seconde nuit sur la terrasse du khan des Giustiniani.
Raqqaoui déclara gravement que, l'état des choses demeurant le même, il n'y avait pas lieu de rester en permanence.
Si quelque événement grave se produisait, on irait les prévenir. Et, par une décision, dûment prise en conseil, il se déchargea sur
Jisri des soins de son administration. Le pauvre Jisri, qui se souvenait d'avoir été jeune garde du Parti à Damas, dans les années 1980, veillait sur la porte d'Antioche, avec conviction.
Kemal rentra l'oreille basse, se coulant dans l'ombre des maisons. Il sentait autour de lui Alep lui devenir hostile.
Il entendait, dans les groupes, courir son nom, avec des paroles de colère et de mépris. Ce fut en chancelant et la sueur aux tempes, qu'il monta l'escalier
. Fatima le reçut, silencieuse, la mine consternée. Elle aussi commençait à désespérer. Tout leur rêve croulait. Ils se tinrent là, dans le salon jaune, face à face. Le jour tombait, un jour sale d'hiver qui donnait des teintes boueuses au papier orange à grands ramages ; jamais la pièce n'avait paru plus fanée, plus sordide, plus honteuse. Et, à cette heure, ils étaient seuls ; ils n'avaient plus, comme la veille, un peuple de courtisans qui les félicitaient. Une journée venait de suffire pour les vaincre, au moment où ils chantaient victoire. Si, le lendemain, la situation ne changeait pas, la partie était perdue. Fatima qui, la veille, songeait aux plaines de la Qadissiya, en regardant les ruines du salon jaune, pensait maintenant, à le voir si morne et si désert, à la défaite des Six-Jours.
Puis, comme son mari ne disait rien, elle alla machinalement à la fenêtre, à cette fenêtre où elle avait humé avec délice l'encens de toute une ville. Elle aperçut des groupes nombreux en bas, sur la place ; elle ferma les persiennes, voyant des têtes se tourner vers leur maison, et craignant d'être huée. On parlait d'eux ; elle en eut le pressentiment.
Des voix montaient dans le crépuscule. Un avocat clabaudait du ton d'un plaideur qui triomphe.
« Je l'avais bien dit, les
rebelles sont partis tout seuls, et ils ne demanderont pas la permission des quarante et un pour revenir. Les quarante et un ! quelle bonne farce ! Moi je crois qu'ils étaient au moins deux cents.
– Mais non, dit un gros négociant, marchand d'huile et grand politique, ils n'étaient peut-être pas dix. Car, enfin, ils ne se sont pas battus ; on aurait bien vu le sang, le matin.
Moi qui vous parle, je suis allé
au gouvernorat, pour voir ; la cour était propre comme ma main. » Un ouvrier qui se glissait timidement dans le groupe, ajouta :
« Il ne fallait pas être malin pour prendre
le gouvernorat. La porte n'était pas même fermée. » Des rires accueillirent cette phrase, et l'ouvrier, se voyant encouragé, reprit :
« Les
Raqqaoui, c'est connu, c'est des pas grand-chose. » Cette insulte alla frapper Fatima au cœur. L'ingratitude de ce peuple la navrait, car elle finissait elle-même par croire à la mission des Raqqaoui. Elle appela son mari ; elle voulut qu'il prît une leçon sur l'instabilité des foules.
« C'est comme leur glace, continua l'avocat ; ont-ils fait assez de bruit avec cette malheureuse glace cassée ! Vous savez que ce Raqqaoui est capable d'avoir tiré un coup de fusil dedans, pour faire croire à une bataille
.  » Kemal retint un cri de douleur. On ne croyait même plus à sa glace. Bientôt on irait jusqu'à prétendre qu'il n'avait pas entendu siffler une balle à son oreille. La légende des Raqqaoui s'effacerait, il ne resterait rien de leur gloire. Mais il n'était pas au bout de son calvaire. Les groupes s'acharnaient aussi vertement qu'ils avaient applaudi la veille. Un ancien fabricant de foulards, vieillard de plus de soixante-dix ans, dont la fabrique se trouvait jadis dans le souk, fouilla le passé des Raqqaoui. Il parla vaguement, avec les hésitations d'une mémoire qui se perd, de l'enclos des Chaabi, d'Oum Kemal, de ses amours avec un contrebandier. Il en dit assez pour donner aux commérages un nouvel élan. Les causeurs se rapprochèrent ; les mots de canailles, de voleurs, d'intrigants éhontés, montaient jusqu'à la persienne derrière laquelle Kemal et Fatima suaient la peur et la colère. On en vint sur la place à plaindre Marwan. Ce fut le dernier coup.
Hier
Raqqaoui était un héros, une âme stoïque qui sacrifiait ses affections à la patrie ; aujourd'hui Raqqaoui n'était plus qu'un vil ambitieux qui passait sur le ventre de son pauvre frère, et s'en servait comme d'un marchepied pour monter à la fortune.
« Tu entends, tu entends, murmurait
Kemal d'une voix étranglée. Ah ! les gredins, ils nous tuent ; jamais nous ne nous en relèverons. » Fatima, furieuse, tambourinait sur la persienne du bout de ses doigts crispés et elle répondait :
« Laisse-les dire, va. Si nous redevenons les plus forts, ils verront de quel bois je me chauffe. Je sais d'où vient le coup
. Le Chahba nous en veut.  » Elle devinait juste. L'impopularité brusque des Raqqaoui était l'œuvre d'un groupe d'avocats qui se trouvaient très vexés de l'importance qu'avait prise un ancien marchand de savon, illettré, et dont la maison avait risqué la faillite. Aziziye, quant à lui, depuis deux jours, était comme mort.










13 novembre







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