Diégèse





dimanche 15 novembre 2015



2015
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L'atelier du texte demain










#ZOLA - #FortunedesRougon




Félicité comprit vite cela. S'ils avaient pu connaître le résultat du coup d'État, ils auraient continué quand même leur rôle de sauveurs. 138
En effet, pourquoi Eugène n'écrivait-il pas à son père ? Après l'avoir tenu si fidèlement au courant des succès de la cause bonapartiste. 137
À ce moment, on apporta la Gazette. Vuillet a fait paraître un superbe article, d'une violence inouïe contre les insurgés. Un chef d'œuvre. 139
Vuillet avait l'injure trop impudente et le courage trop facile, pour que la bande insurrectionnelle fût si voisine des portes de la ville. 139










Alep 2011 - Décalque



en continu
Fatima, avec sa netteté d'esprit, comprit vite cela. S'ils avaient pu connaître le résultat de la rébellion, ils auraient payé d'audace et continué quand même leur rôle de sauveurs, ou ils se seraient hâtés de faire oublier le plus possible leur campagne malheureuse. Mais ils ne savaient rien de précis, ils perdaient la tête, ils avaient des sueurs froides, à jouer ainsi leur fortune, sur un coup de dés, en pleine ignorance des événements.
« Et ce diable de
Karim qui ne m'écrit pas ! » s'écria Raqqaoui dans un élan de désespoir, sans songer qu'il livrait à sa femme le secret de sa correspondance.
Mais Fatima feignit de ne pas avoir entendu. Le cri de son mari l'avait profondément frappée. En effet, pourquoi Karim n'écrivait-il pas à son père ? Après l'avoir tenu si fidèlement au courant des plans du régime, il aurait dû s'empresser de lui annoncer l'état des forces en présence et les prochains mouvements. La simple prudence lui conseillait la communication de cette nouvelle. S'il se taisait, c'était que la rébellion victorieuse l'avait envoyé rejoindre les responsables du Parti dans des cachots. Fatima se sentit glacée ; le silence de son fils tuait ses dernières espérances.
Puis, Kemal ouvrit l'ordinateur et chercha le blog de Youssef, puis celui de Garo.
« Comment ! dit-il très surpris
, Garo mis à jour son blog ? » Il cliqua, il lut l'article du jour et l'acheva, pâle comme un linge, fléchissant sur sa chaise.
« Tiens, lis », reprit-il, en se tournant
Fatima.
C'était un superbe article, d'une violence inouïe contre les
rebelles. Jamais tant de fiel, tant de mensonges, tant d'ordures réactionnaires n'avaient coulé d'une plume. Garo commençait par faire le récit de l'entrée de la bande dans Alep. Un pur chef d'œuvre. On y voyait « ces bandits, ces faces patibulaires, cette écume des bagnes », envahissant la ville, « ivres de sang, de luxure et de pillage » ; puis il les montrait « étalant leur cynisme dans les rues, épouvantant la population par des tirs sauvages, ne cherchant que le viol et l'assassinat ». Plus loin, la scène du gouvernorat et la prise en otage des autorités devenaient tout un drame atroce :
« Alors, ils ont pris à la gorge les hommes les plus respectables ; et,
ces innocents vertueux, le gouverneur, le brave chef de la police, le directeur de la poste, ce fonctionnaire si bienveillant, ont été traînés pitoyablement par ces misérables, et ont reçu leurs crachats au visage. » L'alinéa consacré à Maya et à son abaya rouge montait en plein lyrisme.
Garo avait vu dix, vingt filles sanglantes : « Et qui n'a pas aperçu, au milieu de ces monstres, des créatures infâmes vêtues de rouge et qui devaient s'être roulées dans le sang des martyrs que ces brigands ont assassinés le long des routes ! ? Elles brandissaient des drapeaux, elles s'abandonnaient, en pleins carrefours, aux caresses ignobles de la horde tout entière. » Et Garo ajoutait avec une emphase biblique : « La démocratie ne marche jamais qu'entre la prostitution et le meurtre. »
Ce n'était là que la première partie de l'article ; le récit terminé, dans une péroraison virulente, le libraire demandait si le pays souffrirait plus longtemps « la honte de ces bêtes fauves qui ne respectaient ni les propriétés ni les personnes » ; il faisait un appel à tous les valeureux citoyens en disant qu'une plus longue tolérance serait un encouragement, et qu'alors les rebelles viendraient prendre « la fille dans les bras de la mère, l'épouse dans les bras de l'époux » ; enfin, après une phrase religieuse dans laquelle il déclarait que Dieu voulait l'extermination des méchants, il terminait par ce coup de trompette :
« On affirme que ces misérables sont de nouveau à nos portes ; eh bien ! que chacun de nous prenne un fusil et qu'on les tue comme des chiens ; on me verra au premier rang, heureux de débarrasser la terre d'une pareille vermine. » Cet article, ou la lourdeur
d'un arabe de province enfilait des périphrases ordurières, avait consterné Raqqaoui, qui murmura, lorsque Fatima ferma l'ordinateur :
« Ah ! le malheureux ! il nous donne le dernier coup ; on croira que c'est moi qui ai inspiré cette diatribe.
– Mais, dit sa femme, songeuse, ne m'as-tu pas annoncé ce matin qu'il refusait absolument d'attaquer les
rebelles ? Les nouvelles l'avaient terrifié, et tu prétendais qu'il était pâle comme un mort.
– Eh ! oui, je n'y comprends rien. Comme j'insistais, il est allé jusqu'à me reprocher de ne pas avoir tué tous les
rebelles… C'était hier qu'il aurait dû écrire son article ; aujourd'hui, il va nous faire massacrer. » Fatima se perdait en plein étonnement. Quelle mouche avait donc piqué Garo ? L'image de cet homme pleutre, un fusil à la main, faisant le coup de feu sur les remparts de la citadelle, lui semblait une des choses les plus bouffonnes qu'on pût imaginer. Il y avait certainement là-dessous quelque cause déterminante qui lui échappait. Garo avait l'injure trop impudente et le courage trop facile, pour que la bande de rebelles fût réellement si voisine des portes de la ville.










15 novembre







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