Diégèse
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mercredi 18
novembre 2015 |
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2015 |
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#ZOLA - #FortunedesRougon |
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Elle
revint à pas
lents, songeuse. Elle rencontra M. de Carnavant, qui profitait de la
nuit pour fureter
dans la ville sans se compromettre. |
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« C'est
toi, petite, dit-il. Je voulais aller te voir. Tes
affaires
s'embrouillent.
– Mais non, tout va bien, répondit-elle, préoccupée. » |
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Elle
s'échappa marchant
à pas
rapides. Toute sa personne exprimait une volonté implacable. Elle
allait se venger des cachotteries de Pierre. |
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« Hein !
qu'est-ce que tu as,
pourquoi pleures-tu ? » demanda Pierre brusquement réveillé.
Elle ne
répondit pas, elle pleura plus amèrement. |
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Alep 2011 - Décalque |
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en continu |
Elle
revint à pas lents, songeuse. Elle fit même un détour, passa par
Aziziye, comme pour
réfléchir plus longuement et plus à
l'aise avant de rentrer chez elle. Sous les arbres de la promenade,
elle rencontra le prince Giustiniani, qui profitait de la
nuit pour
fureter
dans la ville sans se compromettre. Les chrétiens d'Alep, qui,
dans
leur grande majorité, soutenaient le régime, gardaient, depuis le début
des événements, la
neutralité la plus absolue. Pour eux, le régime baathiste était
encore
le meilleur rempart contre les extrémismes de tout bord, et en
particulier contre l'islamisme violent. Le prince, observateur discret,
n'avait plus
qu'une
curiosité : savoir comment la bagarre finirait et de quelle façon les Raqqaoui iraient jusqu'au bout
de leur rôle. |
« C'est
toi, petite, dit-il en reconnaissant Fatima. Je voulais aller
te voir. Tes affaires s'embrouillent.
– Mais non, tout va bien, répondit-elle, préoccupée.
– Tant mieux, tu me conteras cela, n'est-ce pas ? Ah ! je
dois me
confesser, j'ai fait une peur affreuse, l'autre nuit, à ton mari et à
ses collègues. Si tu avais vu comme ils étaient drôles sur la terrasse,
pendant que je leur faisais voir une bande de rebelles derrière chaque
parabole !… Tu me
pardonnes ?
– Je te remercie
bien au contraire, dit vivement Fatima. Tu aurais dû les
faire
crever de terreur. Mon mari est un gros sournois. Viens donc un de ces
matins, lorsque je serai seule. » |
Elle
s'échappa, marchant à pas
rapides, comme décidée par la rencontre du prince. Toute sa petite
personne exprimait une volonté implacable. Elle allait enfin se venger
des cachotteries de Kemal, le tenir sous ses
pieds, assurer pour
jamais sa toute-puissance au logis. C'était un coup de scène
nécessaire, une comédie dont elle goûtait à l'avance les railleries
profondes, et dont elle mûrissait le plan avec des raffinements de
femme blessée.
Elle trouva Kemal couché, dormant d'un
sommeil lourd ; elle approcha
un instant la lampe, et regarda, d'un air
de pitié, son visage épais,
où couraient par moments de légers frissons ; puis elle s'assit au
chevet du lit, ôta son foulard, s'échevela, se donna
la mine d'une
personne désespérée, et se mit à sangloter très haut. |
« Hein !
qu'est-ce que tu as, pourquoi pleures-tu ? » demanda
Kemal brusquement
réveillé.
Elle ne répondit pas, elle pleura plus amèrement.
« Par grâce, réponds, reprit son mari que ce muet désespoir
épouvantait. Où es-tu allée ? Tu as vu les rebelles ? » Elle
fit signe
que non ; puis, d'une voix éteinte :
« Je viens du souk, murmura-t-elle. Je
voulais
demander
conseil au prince Giustiniani. Ah ! mon pauvre
ami, tout est
perdu. » Kemal se mit sur son séant,
très pâle. Son cou de taureau que montrait
sa chemise déboutonnée, sa chair molle était toute gonflée par la peur.
Et, au milieu du lit défait, il s'affaissait comme un magot chinois,
blême et pleurard.
« Le prince, continua Fatima, croit que le
régime va tomber, si ce n'est déjà fait ;
nous sommes ruinés, nous n'aurons jamais un sou. » Alors, comme il
arrive aux poltrons, Kemal s'emporta.
C'était
la faute du prince, la faute de sa femme,
la faute de toute sa
famille. Est-ce qu'il pensait à la politique, lui, quand Giustiniani
et Fatima l'avaient jeté dans
ces
bêtises-là !
« Moi, je m'en lave les mains, cria-t-il. C'est vous deux qui avez
fait
la sottise. Est-ce qu'il n'était pas plus sage de manger tranquillement
nos petites rentes ? Toi, tu as toujours voulu dominer. Tu vois où
cela
nous a conduits. » Il perdait la tête, il ne se rappelait plus
qu'il
s'était montré aussi âpre que sa femme. Il n'éprouvait qu'un immense
désir, celui de soulager sa colère en accusant les autres de sa défaite.
« Et, d'ailleurs, continua-t-il, est-ce que nous pouvions réussir
avec
des enfants comme les nôtres ! Karim nous lâche à l'instant
décisif ; Youssef nous a traînés dans
la boue, et il n'y a pas jusqu'à ce grand
innocent de Tarek
qui ne nous compromette, en faisant de la
philanthropie à la suite des rebelles… Et dire que nous nous
sommes mis
sur la paille pour leur faire faire leurs études! » Il
employait,
dans son exaspération, des mots dont il n'usait jamais. Fatima, voyant qu'il reprenait
haleine, lui dit doucement :
« Tu oublies Marwan.
– Ah ! oui, je l'oublie ! reprit-il avec plus de
violence, en voilà
encore un dont la pensée me met hors de moi !…
Mais ce n'est pas tout ; tu sais, le petit Selim, je l'ai vu
chez ma
mère, l'autre soir, les mains pleines de sang ; il a crevé un œil
à un policier. Je
ne t'en ai pas parlé, pour ne point t'effrayer. Vois-tu un
de mes neveux au tribunal pénal ? Ah ! quelle
famille !…
Quant à Marwan, il
nous a gênés, au point que j'ai eu l'envie de lui casser
la tête, l'autre jour, quand j'avais un fusil. Oui, j'ai eu cette
envie… » Fatima laissait passer le
flot. Elle avait reçu les
reproches de son mari avec une douceur angélique, baissant la tête
comme une coupable, ce qui lui permettait de rayonner en dessous. Par
son attitude, elle poussait Kemal, elle l'affolait.
Quand la voix manqua au pauvre homme, elle eut de gros soupirs,
feignant le repentir ; puis elle répéta d'une voix désolée :
« Qu'allons-nous faire, mon Dieu ! qu'allons-nous
faire !… Nous sommes
criblés de dettes.
– C'est ta faute ! » cria Kemal en mettant dans ce cri
ses dernières
forces. |
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