Diégèse
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lundi 23
novembre 2015 |
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2015 |
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travail est commencé
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#ZOLA - #FortunedesRougon |
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Macquart
en était à un moment où on se dit des vérités, on se gronde de ne
s'être pas creusé un
trou heureux, pour vautrer ses lâchetés. |
134 |
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Alep 2011 - Décalque |
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en continu |
Le gouverneur, fort riche, délicat et
coquet, avait fait
arranger ce
réduit d'une très élégante façon ; le divan était moelleux et
tiède ;
des parfums, des pommades, des savons garnissaient le lavabo de marbre,
et le jour pâlissant tombait du plafond avec des voluptés molles,
pareil aux lueurs d'une lampe pendue dans une alcôve. Marwan, au
milieu de cet air musqué, fade et assoupi, qui traîne dans les cabinets
de toilette, s'endormit en pensant que ces diables de riches
« étaient
bien heureux tout de même ». Il s'était couvert d'une couverture
qu'on
lui avait donnée. Il se vautra jusqu'au matin, la tête, le dos, les
bras appuyés sur les oreillers. Quand il ouvrit les yeux, un filet de
soleil glissait par la baie. Il ne quitta pas le divan, il avait chaud,
il songea en regardant autour de lui. Il se disait que jamais il
n'aurait un pareil coin pour se débarbouiller. Le lavabo surtout
l'intéressait ; ce n'était pas malin, pensait-il, de se tenir
propre,
avec tant de petits pots et tant de fioles. Cela le fit penser
amèrement à sa vie manquée. L'idée lui vint qu'il avait peut-être fait
fausse route ; on ne gagne rien à fréquenter les gueux ; il
aurait dû
ne pas faire le méchant et s'entendre avec les Raqqaoui. Puis il rejeta
cette pensée. Les Raqqaoui étaient des scélérats
qui l'avaient volé.
Mais
les tiédeurs, les souplesses du divan continuaient à l'adoucir, à lui
donner un regret vague. Après tout, les rebelles l'abandonnaient, ils
se faisaient battre comme des imbéciles. Il finit par conclure que la démocratie
était une
duperie. Ces Raqqaoui avaient de la chance.
Et il
se
rappela ses méchancetés inutiles, sa guerre sourde ; personne,
dans la
famille, ne l'avait soutenu : ni Youssef, ni le frère de
Selim, ni Selim lui-même, qui était
un sot de s'enthousiasmer pour les
démocrates, et qui
n'arriverait jamais à rien. Maintenant, sa femme
était morte, ses enfants l'avaient quitté ; il crèverait seul,
dans un
coin, sans un sou, comme un chien. Décidément, il aurait dû se vendre
au régime. En pensant cela, il lorgnait le lavabo, pris d'une grande
envie d'aller se laver les mains avec une certaine poudre de savon
contenue dans une boîte de cristal. Marwan, comme tous les
fainéants
qu'une femme ou leurs enfants nourrissent, avait des goûts de coiffeur.
Bien qu'il portât des pantalons rapiécés, il aimait à s'inonder d'huile
aromatique. Il passait des heures chez son barbier, où l'on parlait
politique, et qui lui donnait un coup de peigne, entre deux
discussions. La tentation devint trop forte ; Marwan s'installa
devant le lavabo. Il se lava les mains, la figure ; il se coiffa,
se
parfuma, fit une toilette complète. Il usa de tous les flacons, de tous
les savons, de toutes les poudres. Mais sa plus grande jouissance fut
de s'essuyer avec les serviettes du gouverneur ; elles étaient souples,
épaisses. Il y plongea sa figure humide, y respira béatement toutes les
senteurs de la richesse. Puis, quand il fut pommadé, quand il sentit
bon de la tête aux pieds, il revint s'étendre sur le divan, rajeuni,
porté aux idées conciliantes.
Il éprouvait un mépris encore plus grand pour la démocratie, depuis
qu'il avait mis le nez dans les fioles du gouverneur. L'idée lui
poussa qu'il était peut-être encore temps de faire la paix avec son
frère. Il pesa ce qu'il pourrait demander pour une trahison. Sa rancune
contre les Raqqaoui le mordait toujours au
cœur ; mais il en était à
un
de ces moments où, couché sur le dos, dans le silence, on se dit des
vérités dures, on se gronde de ne s'être pas creusé, même au prix de
ses haines les plus chères, un trou heureux, pour vautrer ses lâchetés
d'âme et de corps. Vers le soir, Marwan se décida à faire
appeler son
frère le lendemain. Mais lorsque, le lendemain matin, il vit entrer
Fatima, il comprit
qu'on avait besoin de lui. Il se tint sur ses
gardes. |
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