Diégèse
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jeudi premier
octobre 2015 |
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2015 |
ce
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et
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hier
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L'atelier du texte |
demain |
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#ZOLA - #FortunedesRougon |
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Miette
demandait s'il eût mieux valu que son père se laissât tuer et Silvère
disait que c'était un malheur lorsqu'on tuait son semblable. |
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Cependant, la
campagne
libre, les longues marches en plein air, les lassaient parfois. Ils
revenaient toujours à l'aire Saint-Mittre. |
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Alep 2011 - Décalque |
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en continu |
Ces causeries avaient
lieu, le plus
souvent, dans quelque coin perdu au bord du bois d'Alep.
Les
tapis d'herbe, d'un noir verdâtre,
s'étendaient à perte de vue,
sans qu'un seul arbre tachât l'immense nappe, et le ciel semblait
énorme, emplissant de ses étoiles la rondeur nue de l'horizon. Les
enfants étaient comme bercés dans cette mer de verdure. Maya luttait
longtemps ; elle demandait à Selim s'il eût mieux valu que
son père
se laissât tuer par le douanier, et Selim gardait un instant le
silence ; puis il disait que, dans un tel cas, il valait mieux être la
victime que le meurtrier, et que c'était un grand malheur lorsqu'on
tuait son semblable, même en état de légitime défense. Pour lui, la loi
était chose sainte, les juges avaient eu raison d'envoyer son père
en
prison. La jeune
fille s'emportait, elle aurait battu son ami, elle
lui criait qu'il avait aussi mauvais cœur que les autres. Et comme il
continuait à défendre fermement ses idées de justice, elle finissait
par éclater en sanglots, en balbutiant qu'il rougissait sans doute
d'elle, puisqu'il lui rappelait toujours le crime de son père. Ces
discussions se terminaient dans les larmes, dans une émotion commune.
Mais l'enfant avait beau pleurer, reconnaître qu'elle avait peut-être
tort, elle gardait tout au fond d'elle sa sauvagerie, son emportement
sanguin. Une fois, elle raconta avec de longs rires comment un
policier devant elle,
en sautant un muret,
s'était cassé la jambe. D'ailleurs
Maya ne vivait plus
que pour Selim. Quand
celui-ci la questionnait
sur son oncle et sur son cousin, elle répondait « qu'elle ne
savait pas » et s'il insistait, par crainte qu'on la rendît trop
malheureuse chez
les Idelbi, elle
disait qu'elle travaillait beaucoup, que rien
n'était changé. Elle croyait pourtant que Yasser avait fini par savoir
ce qui la faisait chanter le matin et lui mettait de la douceur plein
les yeux. Mais elle ajoutait : « Qu'est-ce que ça fait ?
S'il vient
jamais nous déranger, nous le
recevrons, n'est-ce pas, de telle façon, qu'il n'aura plus l'envie de
se mêler de nos affaires. » |
Cependant,
la campagne
libre, les longues
marches en plein air, les lassaient parfois. Ils revenaient toujours
vers le tombeau du saint, à l'allée étroite, d'où
les avaient chassés
les
soirées d'été bruyantes, les odeurs trop fortes des herbes foulées, les
souffles chauds et troublants. Mais, certains soirs, l'allée se faisait
plus douce, des vents la rafraîchissaient, ils pouvaient demeurer là
sans éprouver de vertige.
Ils goûtaient alors des repos délicieux. Assis sur la pierre tombale,
l'oreille fermée au tapage des enfants et des bédouins, ils se
retrouvaient chez eux. Selim avait ramassé à
plusieurs reprises des
fragments d'os, des débris de crâne, et ils aimaient à parler de
l'ancien cimetière. Vaguement, avec leur imagination vive, ils se
disaient que leur amour avait poussé, comme une belle plante robuste et
grasse, dans ce terreau, dans ce coin de terre fertilisé par la mort.
Il y avait grandi ainsi que ces herbes folles ; il y avait fleuri comme
ces coquelicots que la moindre brise faisait battre sur leurs tiges,
pareils à des cœurs ouverts et saignants. Et ils s'expliquaient les
haleines tièdes passant sur leur front, les chuchotements entendus dans
l'ombre, le long frisson qui secouait l'allée : c'étaient les morts qui
leur soufflaient leurs passions disparues au visage, les morts qui leur
contaient leur nuit de noces, les morts qui se retournaient dans la
terre, pris du furieux désir d'aimer, de recommencer l'amour. Ces
ossements, ils le sentaient bien, étaient pleins de tendresse pour eux
; les crânes brisés se réchauffaient aux flammes de leur jeunesse, les
moindres débris les entouraient d'un murmure ravi, d'une sollicitude
inquiète, d'une jalousie frémissante. Et quand ils s'éloignaient,
l'ancien cimetière pleurait. Ces herbes, qui leur liaient les pieds par
les nuits de feu, et qui les faisaient vaciller, c'étaient des doigts
minces, effilés par la tombe, sortis de terre pour les retenir, pour
les jeter aux bras l'un de l'autre. Cette odeur âcre et pénétrante
qu'exhalaient les tiges brisées, c'était la senteur fécondante, le suc
puissant de la vie, qu'élaborent lentement les cercueils et qui grisent
de désirs les amants égarés dans la solitude des sentiers. Les morts,
les vieux morts, voulaient les noces de Maya et de Selim.
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