Diégèse
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lundi 26 octobre
2015 |
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2015 |
ce
travail est commencé
depuis 5778 jours (2 x 33 x 107
jours) |
et
son auteur est en vie
depuis 20231 jours (20231 est un nombre premier)
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ce
qui représente
28,5601% de la vie de l'auteur |
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hier
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L'atelier du texte |
demain |
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#ZOLA - #FortunedesRougon |
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Félicité
ne s'était pas couchée. Et Pierre expliqua même ses projets futurs,
oubliant que, selon lui, les femmes n'étaient bonnes à rien. |
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Elle lui fit
recommencer
certaines parties du récit ; la joie faisait un tel vacarme dans sa
tête que, par moments, elle devenait sourde. |
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« Ah !
M.
Peirotte est de
la danse. » Félicité sourit ; elle venait de faire ce
souhait : « Si
les insurgés pouvaient le massacrer ! » |
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Les habitués
arrivaient.
Personne ne connaissait encore, dans leurs détails, les événements, et
tous accouraient, poussés par les rumeurs. |
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Granoux
parut. «
Mon ami,
je vous apporte l'hommage du conseil. Il vous appelle à sa tête, en
attendant que notre maire nous soit rendu. |
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Alep 2011 - Décalque |
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en continu |
Fatima ne s'était pas
couchée. Il la trouva habillée, avec une abaya joliment brodée et
son hijab sur la tête, comme une femme qui
attend du monde. Elle était vainement restée à la
fenêtre, elle n'avait rien entendu ; elle se mourait de curiosité.
« Eh bien ? » demanda-t-elle, en se précipitant au-devant
de son mari.
Celui-ci, soufflant, entra dans le salon jaune, où elle le suivit, en
fermant soigneusement les portes derrière elle. Il se laissa aller dans
un fauteuil, il dit d'une voix étranglée :
« C'est fait, nous serons des responsables. » Elle lui sauta au cou
; elle l'embrassa.
« Vrai ? vrai ? cria-t-elle. Mais je n'ai rien
entendu.
O mon petit homme, raconte-moi ça, raconte-moi tout. » Elle avait
quinze ans, elle se faisait chatte, elle tourbillonnait, avec ses vols
brusques de guêpe ivre de lumière et de
chaleur. Et Kemal, dans
l'effusion de sa victoire, vida son cœur. Il n'omit pas un détail. Il
expliqua même ses projets futurs, oubliant que, selon lui, les femmes
n'étaient bonnes à rien, et que la sienne devait tout ignorer, s'il
voulait rester le maître. Fatima, penchée, buvait ses
paroles. |
Elle
lui fit recommencer certaines parties du récit, disant qu'elle
n'avait pas entendu ; en effet, la joie faisait un tel vacarme dans sa
tête que, par moments, elle devenait comme sourde, l'esprit perdu en
pleine jouissance. Quand Kemal raconta l'affaire
du gouvernorat, elle
fut prise de rires, elle changea trois fois de fauteuil, roulant les
meubles, ne pouvant tenir en place. Après quarante années d'efforts
continus, la fortune se laissait enfin prendre à la gorge. Elle en
devenait folle, à ce point qu'elle oublia elle-même toute prudence.
« Hein ! c'est à moi que tu dois tout cela ! s'écria-t-elle
avec une
explosion de triomphe. Si je t'avais laissé agir, tu te serais fait
bêtement pincer par les manifestants. Nigaud, c'était le
gouverneur, le
Sakkal et les
autres, qu'il fallait jeter à ces bêtes féroces. » Et,
montrant ses dents branlantes de vieille, elle ajouta avec un rire de
gamine :
« Eh ! vive le Baath ! il a fait place
nette. » Mais Kemal était devenu maussade.
« Toi, toi, murmura-t-il, tu crois toujours avoir tout prévu.
C'est moi
qui ai eu l'idée de me cacher. Avec cela que les femmes
entendent quelque chose à la politique ! Va, ma pauvre vieille,
si tu
conduisais la barque, nous ferions vite naufrage. » Fatima pinça les
lèvres. Elle s'était trop avancée, elle avait oublié son rôle de bonne
fée muette. Mais il lui vint une de ces rages sourdes, qu'elle
éprouvait quand son mari l'écrasait de sa supériorité. Elle se promit
de nouveau, lorsque l'heure serait venue, quelque vengeance exquise qui
lui livrerait le bonhomme pieds et poings liés. |
« Ah
! j'oubliais, reprit Raqqaoui, Abou Firas est de la danse.
Jisri l'a vu qui se
débattait entre les mains des manifestants. » Fatima eut un
tressaillement. Elle était justement à la fenêtre, qui regardait avec
amour les croisées du responsable. Elle venait d'éprouver
le
besoin de les revoir, car l'idée du triomphe se confondait en elle avec
l'envie de ce bel appartement, dont elle usait les meubles du regard,
depuis si longtemps.
Elle se retourna, et, d'une voix étrange :
« Abou Firas est arrêté
? » dit-elle.
Elle sourit complaisamment ; puis une vive rougeur lui marbra la face.
Elle venait, au fond d'elle, de faire ce souhait brutal : « Si les
rebelles pouvaient
le massacrer ! » Kemal lut sans doute cette
pensée
dans ses yeux.
« Seigneur ! s'il attrapait quelque
balle, murmura-t-il, ça arrangerait
nos affaires… On ne serait pas obligé de le déplacer, n'est-ce pas ! ?
et il n'y aurait rien de notre faute. » Mais Fatima, plus nerveuse,
frissonnait. Il lui semblait qu'elle venait de condamner un homme à
mort. Maintenant, si Abou Firas était tué, elle le
reverrait la nuit,
il viendrait lui tirer les pieds. Elle ne jeta plus sur les fenêtres
d'en face que des coups d'œil sournois, pleins d'une horreur
voluptueuse. Et il y eut, dès lors, dans ses jouissances, une pointe
d'épouvante criminelle qui les rendit plus aiguës. |
D'ailleurs, Kemal, le cœur vidé, voyait à
présent le mauvais côté de
la situation. Il parla de Marwan. Comment se débarrasser
de ce
chenapan ? Mais Fatima, reprise par la fièvre
du succès, s'écria :
« On ne peut pas tout faire à la fois. Nous le bâillonnerons,
grâce à Dieu !
Nous trouverons bien quelque moyen… » Elle allait et venait,
rangeant
les fauteuils, époussetant les dossiers. Brusquement, elle s'arrêta au
milieu de la pièce et, jetant un long regard sur le mobilier fané :
« Bon Dieu ! dit-elle, que c'est laid ici ! Et tout ce monde qui
va
venir !
– Suffit ! répondit Kemal avec une superbe
indifférence, nous
changerons tout cela. » Lui qui, la veille, avait un respect religieux
pour les fauteuils et le canapé, il serait monté dessus à pieds joints.
Fatima, éprouvant
le même dédain, alla jusqu'à bousculer un fauteuil
dont une roulette manquait et qui ne lui obéissait pas assez vite.
Ce fut à ce moment que Ghali entra. Il sembla à la
vieille femme
qu'il était d'une bien plus grande politesse.
Les « monsieur », les « madame » roulaient,
avec une musique
délicieuse. D'ailleurs, les habitués arrivaient à la file, le salon
s'emplissait. Personne ne connaissait encore, dans leurs détails, les
événements de la nuit, et tous accouraient, les yeux hors de la tête,
le sourire aux lèvres, poussés par les rumeurs qui commençaient à
courir la ville. Ces messieurs qui, la veille au soir, avaient quitté
si précipitamment le salon jaune, à la nouvelle de l'approche des
rebelles, revenaient,
bourdonnants, curieux et importuns, comme un
essaim de mouches qu'aurait dispersé un coup de vent. Certains
n'avaient pas même pris le temps de mettre leurs habits. Leur
impatience était grande, mais il était visible que Raqqaoui attendait
quelqu'un pour parler. À chaque minute, il tournait vers la porte un
regard anxieux.
Pendant une heure, ce furent des poignées de main expressives, des
félicitations vagues, des chuchotements admiratifs, une joie contenue,
sans cause certaine, et qui ne demandait qu'un mot pour devenir de
l'enthousiasme. |
Enfin Jisri parut. Il s'arrêta un
instant sur le seuil, la main
droite dans sa veste boutonnée ; sa grosse
face blême, qui
jubilait, essayait vainement de cacher son émotion sous un grand air de
dignité. À son apparition, il se fit un silence ; on sentit qu'une
chose extraordinaire allait se passer. Ce fut au milieu d'une haie que
Jisri marcha droit
vers Raqqaoui. Il
lui tendit la main.
« Mon ami, lui dit-il, je t'apporte l'hommage de
la section locale
du Parti. Elle t'appelle à sa tête, en
attendant que notre
gouverneur nous soit
rendu. Tu as
sauvé Alep. Il
faut, dans l'époque abominable que
nous traversons, des hommes qui allient ton intelligence à ton courage.
Viens… » Jisri, qui récitait là un
petit discours qu'il avait préparé
avec grand-peine, de la citadelle à la maison des
Raqqaoui, sentit sa
mémoire
se troubler. Mais Raqqaoui, gagné par l'émotion,
l'interrompit, en lui
serrant les mains, en répétant :
« Merci, mon cher Jisri, je te remercie bien. » Il ne
trouva rien
autre chose. Alors il y eut une explosion de voix assourdissante.
Chacun se précipita, lui tendit la main, le couvrit d'éloges et de
compliments, le questionna avec âpreté. Mais lui, digne déjà comme un
magistrat, demanda quelques minutes pour conférer avec Jisri et Ghali. Les affaires avant
tout. La ville se trouvait dans une
situation si critique ! Ils se retirèrent tous trois dans un coin du
salon, et là, à voix basse, ils se partagèrent le pouvoir, tandis que
les habitués, éloignés de quelques pas, et jouant la discrétion, leur
jetaient à la dérobée des coups d'œil où l'admiration se mêlait à la
curiosité. Raqqaoui
prendrait le titre de président de la section locale du Parti ;
Jisri serait
secrétaire général ; quant
à Ghali, il
devenait
commandant en chef de la garde civile réorganisée. Ces messieurs se
jurèrent un appui mutuel, d'une solidité à toute épreuve.
Fatima, qui
s'était approchée d'eux, leur demanda brusquement :
« Et Garo ? » Ils se regardèrent.
Personne n'avait aperçu Garo.
Raqqaoui
eut une légère grimace d'inquiétude.
« Peut-être qu'on l'a emmené avec les autres… », dit-il
pour se
tranquilliser.
Mais Fatima
secoua la tête. Garo n'était pas un homme à
se laisser
prendre. Du moment qu'on ne le voyait pas, qu'on ne l'entendait pas,
c'est qu'il faisait quelque chose de mal. |
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