Diégèse | |||||||||
vendredi 5 août 2016 | 2016 | ||||||||
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Il s'agit, comme tu le vois, d'une demande de garanties tout à fait normale dans un État démocratique. Leur « pureté » de principe n'exclut pas cette fois leur complète possibilité de réalisation. Mais étant donné, je le répète, le manque total d'informations dans lequel « toute » la presse italienne t'a laissé à propos de Pannella et de son mouvement, il ne serait pas étonnant que tu penses que ce Pannella est un monstre, disons une sorte de Fumagalli, dont les demandes sont « de toute façon » et a priori à ne pas prendre en considération. Eh bien ! Pour commencer, je te dirai que, selon le principe démocratique auquel Pannella ne déroge pas, jamais, ce même Fumagalli que j'ai nommé, et pour cause (en français dans le texte), aurait le droit d'être pris en considération s'il faisait des demandes du genre « formel » de celles faites par les radicaux. Le respect de la personne — de sa configuration profonde, à laquelle un sentiment de la liberté, dont le caractère formel est entendu comme essentiel, permet de se constituer et de s'exprimer à un niveau pour ainsi dire « sacralisé » par une raison laïque — le respect, également, des idées politiques concrètes les plus dégradées, représentent pour Pannella le primum de toute théorie et de toute pratique politique. C'est en cela qu'il fait scandale : un scandale qu'on ne peut intégrer à rien, parce que son principe, même s'il est énoncé en termes schématiques et populaires, est sanctionné par la constitution. | Mais, revenons sur le postulat que les actes terroristes d'inspiration religieuse sont à la fois sublimation et passage à l'acte. Admettons, au moins pour la démonstration, qu'il n'y a pas de société humaine sans sublimation collective - ne seraient-ce que les rites funéraires - ni capacité individuelle à sublimer. Constatons aussi que cette capacité anthropologique est une nécessité anthropologique. On ne sublime pas pour passer le temps, ni même par plaisir et cette nécessité est d'ailleurs ce qui distingue l'art des pratiques de loisir créatif. André Malraux disait que l'homme est le seul animal qui sait qu'il doit mourir. La sublimation vient alors de la connaissance de cette implacable finitude. Mais, cette connaissance ne serait rien si elle n'était pas mise en tension avec une idée bizarre, proprement humaine, que tout dans l'univers vient pourtant démentir et qui est la notion d'éternité. L'éternité ! L'homme peut concevoir l'éternité tout en sachant qu'il est mortel, et que tout, autour de lui, est mortel. Et l'on peut encore citer Malraux : « Le plus grand mystère n'est pas que nous soyons jetés au hasard entre la profusion de la matière et celle des astres, c'est que dans cette prison nous tirions de nous-mêmes des images assez puissantes pour nier notre néant. » C'est en cela que l'auto-martyrisation eschatologique est à la fois sublimation et passage à l'acte, qu'elle est à la fois désespoir et espérance. Pour autant, cela ne suffit pas encore à expliquer pourquoi certains prennent cette voie escarpée et incertaine du Salut, si proche de la damnation qu'elle est aussi damnation. « Debout ! Les damnés de la terre ! » fait chanter l'Internationale aux révolutionnaires depuis la Commune de Paris. C'est que l'accès au sublime est aussi marqué par la lutte des classes, car les classes dominantes se sont toujours réservé l'accès au sublime, qu'il soit religieux ou non, et en ont toujours interdit l'accès aux classes dominées. C'est dans ce rapport de classe où le dominant - le riche - pense toujours que le dominé - le pauvre - est incapable de sublimer, que ce soit de faire de l'art ou de le fréquenter, ou seulement de former des actes sublimes, que se situent les révoltes et les révolutions. Consciencieusement bannis du sublime par une société qui livre le sublime aux seules forces du marché, des gamins paumés, tourmentés et manipulés, en viennent à commettre ces actes d'espérance désespérée tout aussi atroces qu'absurdes. | ||||||||
Ouvrons un débat sur
l'affaire Pannella Pier Paolo Pasolini 6 juillet 1974, Corriere della sera |
Péguy-Pasolini #14 - Diégèse 2016 | ||||||||
5 août |
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