Diégèse




mardi 9 août 2016



2016
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#Péguy-Pasolini - les textes de Diégèse 2016 -










Au lieu d'être reçus et complimentés par le premier citoyen de la République en hommage à la volonté du peuple italien, qu'ils avaient prévue, Pannella et ses camarades ont été rejetés comme des intouchables. Au lieu d'intervenir comme interlocuteur sur les écrans de télévision, on ne leur accorde même pas un misérable quart d'heure de « tribune libre ». Certes, le Vatican et Fanfani — les grands battus du référendum — ne pourront jamais admettre que Pannella simplement « existe » ; mais Berlinguer et le P.C.I., les autres battus du référendum, n'admettront non plus jamais cette existence. On « abroge » donc Pannella de la conscience et de la vie publique italienne.
À présent, la question s'achève sur un point d'interrogation. La possibilité de jeûne de Pannella a des limite organiques dramatiques et rien ne laisse présumer qu'il veuille abandonner. Et que font les hommes ou les groupes au pouvoir capables de décider de son sort Jusqu'où iront leur cynisme, leur impuissance ou leurs calculs ? Le fait qu'ils aient bien peu à perdre — puisque leur seul problème est de sauvegarder ce qui peut l'être à commencer par eux-mêmes — ne joue pas en faveur de Pannella. La réalité s'est brusquement tournée contre eux ; la barque vaticane, dans laquelle ils comptaient mener tranquillement à bonne fin toute la traversée du marécage de leur vie, menace sérieusement de couler les masses italiennes sont dégoûtées d'eux et sont devenues porteuses, même si ce n'est qu'existentiellement, de valeurs avec lesquelles ils ont cru pouvoir jouer, et qui dans la réalité, se sont révélées être de vraies valeurs capables d'anéantir les grandes valeurs du passé et de réduire en mêmes ruines fascistes et antifascistes (d'aujourd'hui). Même le minimum que l'on pouvait leur demander — une certaine capacité d'administrateurs se révèle être une atroce illusion ; une illusion dont il faudra bien que les Italiens prennent conscience para que — comme les valeurs de la consommation et du bien-être — ils devront la vivre « dans leur chair ».

Les tueurs des attentats revendiqués par l'organisation islamiste fondamentaliste terroriste avaient tous, ou presque tous, un passé de délinquant. Qu'en conclure ? Ou plutôt, quelle autre conclusion qu'une simple conclusion sociologique faire ? Plusieurs choses. Tout d'abord, ces jeunes avaient pris goût à l'adrénaline, car la délinquance offre souvent l'occasion d'en consommer, et d'en consommer beaucoup, et l'adrénaline est une drogue puissante. Ils avaient connu la frustration face à l'autorité institutionnelle qui, tout à la fois, les pourvoyait en adrénaline - la cache, la traque, la poursuite - et les en privait - la prison -. Ils avaient côtoyé les plaisirs artificiels de la drogue et de la consommation de biens matériels, et même de biens matériels de luxe, et en avaient été privés aussi. Ainsi, dans leur courte vie, ils ont expérimenté violemment ce que toute philosophie et toute spiritualité entend démontrer, que le seul accès possible au bonheur de l'être, au véritable sublime, n'est pas de ce monde, et, surtout, ne réside pas dans la matérialité de ce monde. Dans le communiqué revendiquant les meurtres de novembre 2015 à Saint-Denis et à Paris, un terme a retenu mon attention, qui évoquait des combattants martyrs ayant « divorcé de la vie d'ici-bas ». C'est donc qu'ils étaient déjà morts. Ils n'étaient pas candidats au suicide. Ils étaient déjà suicidés, aidés ou non de drogues, ils avaient déjà accès au sublime et on leur avait vendu la certitude que ce serait éternel. Il est d'usage de brocarder les promesses de félicités infinies du paradis qui sont faites à ces jeunes hommes, en oubliant au passage qu'on les avait vendues aussi à nos aïeules et à nos aïeux, non sans efficacité. Cependant, pour qui a perçu, au sens le plus fort du terme, que les félicités terrestres n'étaient qu'illusion, et qu'en outre elles ne pouvaient être dissociées de la frustration, la promesse eschatologique, le Salut, peut avoir un effet stupéfiant et c'est donc à cet effet stupéfiant qu'il faut s'attacher. Si, comme on l'entend, nous sommes « en guerre », il faut avoir conscience que cette guerre n'est militaire qu'à sa marge, mais qu'elle est essentiellement spirituelle. Que promettre à ceux qui ont reçu la promesse du Grand Tout ? Quel autre rachat et quel autre Salut leur opposer quand sont si nombreux ceux de leur classe d'âge qui trouvent la promesse et l'adrénaline de la promesse dans la chasse aux Pokemons ?
Ouvrons un débat sur l'affaire Pannella
Pier Paolo Pasolini
6 juillet 1974, Corriere della sera

Sublime chimique - Péguy-Pasolini #14 - Diégèse 2016










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