Diégèse | lundi 22 août
2016 |
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La plus
désagréable de toutes les interventions
qui ont semé la confusion dans une discussion qui pouvait être
profitable à
tous est celle de Giorgio Bocca. Mon ami a, lui aussi, commencé, avant
tout,
par faire des inférences personnelles, en rebâtissant à sa guise, comme
un
avocat, un épisode de ma biographie. S'il était bien vrai que, comme il
le dit
dans un inexact et déloyal compte rendu, une « foule d'étudiants » m'a
agressé
en 1968, il aurait dû immédiatement prendre la plume pour me défendre
avec
intrépidité, puisque c'est lui qui, à cette époque-là, a écrit, à
propos des
intellectuels italiens, que j'étais, moi, « le meilleur de tous » !
Comme il a
facilement changé d'idée, notre ami ! Il lui a suffi que l'indice de
popularité
soit, semble-t-il, devenu défavorable. Par ailleurs, la logique de
Bocca est
fondée sur un bon sens pragmatique infiniment suspect et qui laisserait
entendre que, tandis que je papote, il se retrousse les manches et
travaille.
Avec une grossièreté qui, chez Ferrara, est compréhensible et
explicable, mais
pas chez lui, pour nulle raison, Bocca a pris au pied de la lettre -
peut-être
à travers le rapport oral très simplifié d'un confrère (car il ne me
paraît pas
possible qu'il m'ait lu) - l'identification (au sens que j'ai dit) des
fascistes et des antifascistes et le qualificatif de fasciste attribué
au
nouveau pouvoir nominalement antifasciste. Bocca a réduit ces concepts
à des
cibles blasphématoires pour les railleurs et en est venu, lui aussi, au
lynchage. Je crie donc comme un aigle solitaire, tandis que, inlassable
et
humble, il travaille. Il travaille, actuellement, à un
« reportage »
sur le fascisme : un « reportage » que j'ai qualifié de travail de
tâcheron
plein d'erreurs et ennuyeux. À présent j'ajoute, plein d'erreurs,
ennuyeux et
aussi copié. En effet, dans ce même numéro du Giorno (7-7-1974) où il
m'attaque, se trouve la deuxième partie de cette « enquête », dont
une
grande partie est littéralement copiée dans Vaipreda
più quattro, publié par « Magistratura
democratica », avec une présentation de Giuseppe Branca (éd. Nuova
Italia),
et qui n'est naturellement pas nommé. Tout zèle dissimule quelque chose
de pas
très beau : même le zèle antifasciste ! Si Ferrara et Bocca ont « mal » compris ce que j'ai écrit - en l'abaissant par d'affreuses simplifications Prezzolini, lui, a compris exactement le contraire. Le scandale Pannella consiste en ceci qu'il lutte au nom de toutes les minorités, non seulement Dom Franzoni, mais aussi les mahométans, les bouddhistes, et peut-être les fascistes et ses adversaires du moment (y compris Prezzolini). Ainsi donc Prezzolini défie, avec une basse ironie, Pannella de faire quelque chose qu'il fait effectivement sur les bases d'un principe suprêmement formel de démocratie, que Prezzolini est incapable de comprendre ; de la même façon, il n'a pas compris que le pays dans lequel il a vécu pendant trente-deux ans n'est pas le royaume de la démocratie, mais du pragmatisme. C'est au nom de ce pragmatisme (et à ma grande satisfaction : c'est une Némésis) que Prezzolini donne la main à Bocca. Dernier (pour l'instant) de la liste : le républicain Adolfo Battaglia, qui me traite de « bouffon », uniquement parce que je suis un intellectuel lettré. Je ne sais pas s'il s'agit d'une dérivation scelbienne (« sous-culture ») ou sociologique (Schumpeter, Kernhauser, Mannheim, Hoffer, von Mises, De Jouvenel, Shils, Veblen, etc.), mais il est néanmoins à supposer que c'est là l'habituel moralisme à l'italienne grâce auquel, automatiquement, le « bouffon » devient le « bouc émissaire » qui permet (oh, certes, involontairement) la restauration de la vérité. Je demande pardon au lecteur de l'avoir entraîné dans ce labyrinthe de « consciences malheureuses », dans cette mise en pièces d'un discours qui pouvait être dense et décent. |
Avant
de conclure cette ébauche de texte sur cette affaire du
« burkini »,
car, j'ai l'impression que, structurellement, tout est posé, tout est
dit, citons encore, dans le florilège des expressions mal situées, et
on pourrait même
écrire « in-située », ceux qui, pour justifier son
interdiction,
s'appuient sur des textes, des tribunes de musulmanes ou de musulmans,
le plus souvent vivant hors de France, et appelant à la vigilance sur
l'expansion du wahhabisme via ce costume de bain. Il faut savoir que ce
mouvement argumentatif - et « mouvement » a ici le sens
qu'il prend aux
échecs - a été amplement utilisé par les colonialistes supposés
apporter la « civilisation ». Par dessiccation, ce mouvement
se résume
en fin de compte à « vous voyez ! Même eux le
disent ! » Il s'agit en
fait d'un mouvement d'inspiration tout autant raciste que de
dire : « je ne suis pas raciste, j'ai un ami arabe. »
Comment s'en sortir ? Face à une telle question qui suscite la polémique, le premier réflexe est d'abord de ne pas tout mélanger, afin de pouvoir ensuite prétendre que l'on n'y comprend rien et de se passer d'analyse et réagir par intuition ou émotion. Il faut ainsi examiner la situation sans généraliser cette situation, et par exemple chasser l'image fantasmatique de plages couvertes de femmes... couvertes de la tête aux pieds. Bref, il faut vigoureusement expulser le fantasme que l'on est « envahis ». Quelle est la situation ? Quelques femmes issues de quartiers pauvres et pratiquant la religion musulmane, plutôt que de rester avec leur hijab sur la plage sans se baigner, ont voulu adopter un costume de bain plus pratique. Si « trouble à l'ordre public » il y a eu, il ne vient pas d'elles mais, soit de racistes anti arabes, soit des hommes de leur propre entourage ne supportant pas, en fait, que leur femme - sœur - mère - cousine - etc. - soit sur une plage à la vue potentielle d'autres hommes. Si trouble il y a, il est du fait des mâles. Il n'est juridiquement pas possible d'affirmer que ces femmes sont forcées de porter ce vêtement. Le seraient-elles qu'il faudrait agir à l'encontre de ceux qui les forcent. L'argument de l'aliénation, au sens marxiste du terme, ne tient pas davantage. Ou alors, il faut aussi interdire le string, les seins en silicone, l'anorexie, l'épilation intégrale, toutes formes de tortures infligées aux femmes et qui n'ont rien à voir avec l'islam. Arguer de cette interdiction pour faire « barrage » à l'extrême-droite est une faute morale et politique majeure. C'est celle de la collaboration et c'est un encouragement aux idées nauséabondes et proprement anti françaises qui sont celles du Front national et de ses alliés. Ce n'est pas en allant s'embourber dans le racisme que l'on pourra combattre dignement le racisme. La seule position, en conséquence, qui me semble politiquement possible comme position républicaine est celle d'être deux fois contre : contre l'interdiction du « burkini » et contre le « burkini » en ne « touillant » pas les deux argumentations. Il faut être contre le « burkini » comme objet de domination de l'homme sur la femme pour de vagues motifs de religiosité et continuer de clamer que, tant que la femme sera obligée de cacher une parcelle de son corps pour « ne pas faire envie » à un homme, le combat féministe ne sera pas éteint. La lutte pour l'égalité intégrale et radicale entre l'homme et la femme ne souffre pas d'exception. Il faut être contre l'interdiction du « burkini » pour ce en quoi elle ne saurait être une voie pour atteindre ces mêmes objectifs d'égalité, et parce que cette interdiction est une expression de domination de classe sur une autre classe via une nouvelle contrainte faite aux femmes. Ce n'est pas si compliqué, en fait ! |
Abroger Pasolini - Pier Paolo Pasolini - Écrits corsaires | Tout petit petit burkini - Péguy-Pasolini #15 - Diégèse 2016 |
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