Diégèse




samedi 27 août 2016



2016
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#Péguy-Pasolini - les textes de Diégèse 2016 -










Tout ce qu'il faut pour mourir à quarante ans. Pas un muscle pas un nerf qui ne fût tendu pour une mission secrète, perpétuellement vibré pour la mission. Jamais homme ne se tint à ce point chef de sa race1 et de son peuple, responsable pour sa race et pour son peuple. Un être perpétuellement tendu. Une arrière-tension, une sous-tension inexpiable. Pas un sentiment, pas une pensée, pas l'ombre d'une passion qui ne fût tendue, qui ne fût commandée par un commandement vieux de cinquante siècles, par le commandement tombé il y a cinquante siècles ; toute une race, tout un monde sur les épaules, une race, un monde de cinquante siècles sur les épaules voûtées ; sur les épaules rondes, sur les épaules lourdes ; un cœur élevé de feu, du feu de sa race, consumé du feu de son peuple ; le feu au cœur, une tête ardente, et le charbon ardent sur la lèvre prophète.
Quand je viens en relation avec quelqu'un de nos anciens adversaires (c'est un phénomène de plus en plus fréquent, inévitable, désirable même, car il faut bien qu'un peuple se refasse, et se refasse de toutes ses forces), je commence par lui dire : Vous ne nous connaissez pas. Vous avez le droit de ne pas nous connaître. Nos politiciens ont fait une telle Foire sur la Place que vous ne pouviez pas voir ce qui se passait dans la maison. Nos politiciens n'ont pas dévoré seulement, absorbé notre mystique. Ils la masquaient complètement, au moins au public, à ce qu'on nomme le grand public. Vous n'étiez pas abonné aux cahiers. C'est tout naturel. Vous aviez autre chose à faire. Vous ne lisiez pas les cahiers. Mais cette mystique dont nous parlons, nous ne l'inventons pas aujourd'hui pour les besoins de la cause, nous ne l'improvisons pas aujourd'hui. Elle fut pendant dix et quinze ans la mystique même de ces cahiers en toutes ces matières et nous l'avons assez souvent manifestée. La seule différence qu'il y avait, c'est que masqués par les politiciens nos cahiers ne parvenaient point alors auprès du grand public et qu'aujourd'hui, dans le désarroi des politiciens, et sans doute pour une autre cause, et au moins même pour deux, ils y parviennent. La seule différence qu'il y a, c'est qu'on ne nous lisait point ; et que l'on commence à nous lire.

Si l'on revient à la photographie de Paul VI qui avait retenu l'attention de Pasolini, comme introduction à un texte sur la perte du pouvoir temporel de l'Église, on peut y voir une allusion - et c'est certainement cela dont il s'agit - au pouvoir limité des chefs sioux dans leurs réserves. La parure de plumes est toujours aussi flamboyante et impressionnante, mais le pouvoir qu'elle symbolisait s'est évanoui. Le signifiant n'a pas bougé quand le signifié s'est singulièrement dégradé. Le Vatican serait donc devenu une « réserve d'indiens » et la photographie tirerait son intérêt de ce « retour du littéral » : elle dit ce qu'elle montre et, comme le dirait Roland Barthes, « la photographie dit tout ». Alors, que montre, qui fait rire, la photographie des dirigeants qui apparaissent grimés ou déguisés sur des photographies pourtant officielles ? Car le rire ou le sourire que ces photographies provoquent est différent de ce que suggèrent celles qui, volées ou non, montrent des dirigeants, parfois les mêmes, dans des situations vernaculaires. Ainsi, les photographies de Nicolas Sarkozy, alors Président de la République, à la plage du Cap Nègre au début de son quinquennat ne font pas rire. Elles peuvent laisser indifférent, susciter de la curiosité pour la plastique de Carla Bruni ou pour les modalités des retouches effectuées ou non sur les abdominaux du Président, quitte à informer les retoucheurs que les muscles intercostaux ne se situent pas au niveau de l'abdomen... mais elles n'ont pas cette propriété sémiologique ténue et incertaine de faire rire, ni même de faire sourire. C'est que ces photographies disent exactement ce qu'elles voulaient dire. Or, s'agissant de la photographie du pape ou de celles des dirigeants en costumes divers, ce qui est intéressant, c'est justement qu'elles ne disent pas ce qu'elles voulaient dire. Ainsi, par exemple, la photographie de François Hollande au Kazakhstan a été, logiquement et légitimement publiée sur le site de la présidence Kazakh comme témoignage de l'amitié entre les deux peuples et du traitement très particulier qui était réservé au Président français... avant d'être retirée précipitamment quelques heures plus tard. Ce n'est pas une photo volée. Son intention n'était pas de susciter de la moquerie. Il y a donc eu distorsion sémantique entre l'intention du photographe, d'une part, et la perception et l'interprétation de la photographie, d'autre part. Cette distorsion est en partie interculturelle, mais « pas que ». Il y a une part d'universel qui relève du burlesque.
Charles Péguy - Notre Jeunesse  -
Péguy-Pasolini #16 - Diégèse 2016
1. Il convient ici de rappeler que Péguy écrit Notre jeunesse en 1910, avant de mourir dans les premiers combats de 1914. Il a été l'un des premiers défenseurs de Dreyfus, et Notre jeunesse, pamphlet politique qui oppose la mystique à la politique  se fonde sur le souvenir des luttes pour Dreyfus. Il ne faudrait donc pas lire le texte de Péguy à la lumière des  événements qui se sont déroulés lors de la montée du fascisme et du nazisme et de l'antisémitisme des années 1930, de la shoah et de la création de l'État hébreu. Ce serait évidemment un contresens. De la même façon, le mot « race » a chez Péguy le sens qu'il avait au XIXe siècle et a un sens proche de « lignée ».















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