Diégèse




jeudi 7 avril 2016



2016
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#Péguy-Pasolini - les textes de Diégèse 2016 -










Le Concordat de l'Église et du fascisme a été quelque chose de très grave en son temps, au moment de sa signature, qui fut un blasphème devant Dieu ; mais il est beaucoup plus grave aujourd'hui. Pourquoi ? Parce que le peuple italien d'alors était « solidaire » — dans le sens que les structuralistes donnent à ce terme — de l'Église. Et l'Église, pour reprendre avec le peuple les agapes d'antan, pouvait se permettre le luxe « cynique » de passer par-dessus la honte du fascisme.
Mais aujourd'hui, le peuple n'est plus solidaire de l'Église : le monde paysan, après quelque quatorze mille ans de vie, a pratiquement disparu d'un seul coup. Le Concordat toujours en vigueur entre l'Église et l'État postfasciste est donc purement et simplement une alliance de pouvoir, qui n'est même plus objectivement justifiée par la présence de l'anonyme paysannerie religieuse. Regardons la famille, ou mieux, par mimétisme avec notre ingrate matière, la Famille. Dans le monde religieux-paysan (toutes les religions du monde sont profondément semblables), la Famille était la cellule de l'Église : il n'aurait pu y avoir des dieux dans les temples s'il n'y avait eu des lares dans la campagne.
Dans le même temps, la famille constituait le noyau de cet état économique (paysan, justement : le cycle des saisons, le type de production et de consommation, le marché, l'épargne, la pauvreté, l'esclavage) dans lequel était possible, et même historiquement irremplaçable, la présence de l'Église. Économie paysanne et Église ne forment qu'une réalité, même quand, à travers la première révolution industrielle, la bourgeoisie moderne a commencé à se former. Mais c'est alors qu'a commencé la partition cynique de l'Église : elle a composé, pour des raisons de pouvoir, avec une classe sociale dont la foi n'était plus pure, ou qui ne croyait plus. L'Église a gagné à sa cause cette nouvelle classe dominante et s'est laissé gagner par elle. Et l'énorme troupeau du peuple (je le répète encore, classiquement religieux) a été gouverné et pris en main. Mais, admettons que l'Église ait été de bonne foi, et interprétons son abject pacte avec les fascistes comme un moyen de rester solidaire avec un peuple désormais exploité et affamé. Aujourd'hui, la famille n'est plus — cela est arrivé presque d'un seul coup — le « noyau », petit, originaire, cellulaire, de l'économie paysanne, comme elle l'a été pendant des milliers d'années. Par conséquent, et par contrecoup parfaitement logique, elle a également cessé d'être le petit « noyau » de l'Église.

Au cours du dévoilement du dépouillement des documents panaméens, dans son édition datée du 7 avril, le quotidien Le Monde insiste sur le nombre important des « anonymes » présents dans les listes des personnes françaises qui ont eu recours à des sociétés off-shore au Panama. La même édition s'arrête sur les « anonymes » qui, chaque soir depuis le 31 mars se tiennent debout sur la place de la République, à Paris, pour protester contre la politique du gouvernement, et plus particulièrement contre la réforme du code du travail. On ne sait pas, on ne saura jamais si parmi les « anonymes » détenteurs de biens au Panama figurent aussi des « anonymes » qui occupent la place de la République. On en conclura que tous les « anonymes » ne relèvent donc pas du même anonymat. C'est que dans le premier cas, le journal connaît les noms, mais ne les divulgue pas. Neuf personnes sur une centaine ont accepté de témoigner... sous couvert de l'anonymat. Dans le second cas, je pense que le même journal ne rencontrerait aucune difficulté à connaître le nom des « anonymes » de « la Nuit debout », « anonymes » qui le donneraient bien volontiers. Il ne s'agirait donc pas des mêmes « anonymes ». Pourtant, le même quotidien dévoile certains noms : le nom de personnes qui sont déjà connues, et qui, par voie de conséquence, ne sont pas « anonymes ». Cela confirme que l'on connaît déjà les noms. Mais est-ce que tous les noms qu'il serait intéressant de connaître sont dévoilés ? Comment en juger ? Il n'y aurait en fait qu'une seule manière d'en être certain : avoir accès aux documents originaux. Dans les précédentes affaires de fuites de documents compromettants, la publication des documents originaux jouait un rôle important dans la révélation. Si les documents originaux demeurent cachés, la révélation demeure partielle et, de partielle, devient biaisée, et, de biaisée, devient sans intérêt véritable, le lecteur ne pouvant effectuer facilement sa propre analyse de la situation. Pour autant, divulguer, brutes, les listes de toutes ces personnes « anonymes » serait à l'évidence une forme d'autodafé contestable sinon insupportable. Alors ? Alors, on pourrait conseiller au journal de ne pas monter une opération commerciale visant à renforcer sa réputation de journal d'investigation sur l'argument que l'on va dévoiler des noms quand ce dévoilement aboutit à dévoiler que ces noms demeureront anonymes, sous peine d'une double contrainte qui ne peut conduire qu'au doute et à la déception.
Pas d'amour, pas de culture : un langage sans origine
Pier Paolo Pasolini - Écrits corsaires

Péguy-Pasolini #08 - Diégèse 2016 - Je sais les noms -










7 avril







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J'ai essayé d'être réel, c'est à dire de me prendre pour quelqu'un, de marcher, de parler sans y penser, sans y penser tout le temps. Quand je me suis éloigné de la politique, je me suis éloigné de l'autorité et du fantasme très particulier qui fait que l'on croit agir pour l'intérêt général tout en sachant que l'on n'agit jamais que pour soi, et la lueur de plaisir dans les yeux de ses parents.