Diégèse




samedi 30 avril 2016



2016
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#Péguy-Pasolini - les textes de Diégèse 2016 -










Le contexte culturel dont sortent les fascistes est extrêmement différent de celui d'autrefois. Ces dix années d'histoire italienne, qui ont amené les Italiens à voter « non » au référendum, ont produit - à travers le même mécanisme profond - ces nouveaux fascistes, dont la culture est identique à celle de ceux qui ont voté « non » au référendum.
Ils ne représentent que quelques centaines ou quelques milliers de personnes, et, si le gouvernement et la police l'avaient voulu, ils auraient complètement disparu dès 1969.
Le fascisme des massacres est donc un fascisme nominal, sans idéologie propre (parce que rendue vaine par la qualité de vie réelle vécue par ces fascistes) et, par ailleurs, artificiel : il est voulu par ce pouvoir qui, après avoir liquidé, toujours pragmatiquement, le fascisme traditionnel et l'Église (le clérico-fascisme, qui était effectivement une réalité culturelle italienne), a décidé de maintenir en vie des forces à opposer - selon une stratégie mafieuse et de commissariat à la Sécurité publique - à la montée communiste. Les véritables responsables des massacres de Milan et de Brescia, ce ne sont pas les jeunes monstres qui ont posé les bombes, ni leurs sinistres mandants et financiers. Il est donc inutile et de pure rhétorique de faire semblant d'attribuer quelque responsabilité réelle à ces jeunes et à leur fascisme nominal et artificiel. La culture à laquelle ils appartiennent et qui contient les éléments de leur folie pragmatique, est, je le répète encore une fois, la même que celle de l'énorme majorité des gens de leur âge. Elle n'occasionne pas seulement chez eux d'intolérables conditions de conformisme et de névrose ; et donc d'extrémisme (qui est justement la configuration due au mélange de conformisme et de névrose).
Si leur fascisme devait l'emporter, ce serait le fascisme de Spinola, pas celui de Caetano ; en clair, un fascisme encore pire que celui que nous avons connu; mais plus précisément le fascisme. Ce serait quelque chose que nous vivons déjà, et que les fascistes vivent d'une façon exaspérée et monstrueuse, mais non sans raisons.

Comment pourrait-on soigner la « chronite » du personnel politique ? Quelle serait la bonne thérapeutique ? On pense d'abord aux remèdes traditionnels que sont la diète, voire le jeûne. La privation complète de moyens de communication pourrait être efficace. Reste qu'il est difficile de déterminer combien de temps cette prison communicationnelle devrait durer. On a vu tant de politiques clamer qu'ils avaient changé sans avoir changé en aucune manière, qu'aucune retraite, aussi longue fût-elle, pourrait garantir la guérison complète. Il y aurait bien aussi la rééducation. Mais le mot est désagréable pour ce qu'il évoque de régimes autoritaires et de pratiques inhumaines. On n'envisagera donc pas de rééducation, même maquillée sous l'apparence d'un « coaching. » Il reste le médicament, mais il n'y a pas de médicament disponible pour cette maladie, ni même aucune médecine douce. Il n'y aurait donc rien à faire ? La maladie serait incurable ?
Il ne faut pas perdre l'espoir. Il faut d'abord, pour soi-même, prendre les précautions nécessaires pour ne pas attraper la maladie. Il ne faut pas aller prendre froid dans le champ des expressions bâclées, dans les vertigineux raccourcis, dans les abimes du commentaire succinct. Il faut consentir à la lenteur d'un texte, à sa grande lenteur, accepter même l'impression en sa lecture qu'il ne bouge pas, qu'il n'avance pas. C'est d'ailleurs le projet de Péguy quand il fonde Les Cahiers de la quinzaine, que d'avoir toute la place qui lui est nécessaire pour écrire, non seulement « bêtement la vérité bête », mais aussi pour pouvoir déployer sa phrase aussi longuement qu'il le souhaitait, sans être, dans sa lenteur, censuré. Le remède serait donc celui de Mithridate, qui s'empoisonnait chaque jour un peu pour s'immuniser davantage. Imposer la lenteur, la longueur, la redondance redondante à des médias qui sont formés pour encourager le jeu des pouces levés et des pouces baissés, des onomatopées, c'est déjà une forme de résistance. C'est déjà une forme de guérison possible. Il ne s'agit donc pas de se retirer, mais bien au contraire, d'aller dans l'arène, d'y demeurer immobile, et d'y déclamer des vers, des vers très longs, très ennuyeux peut-être, des vers écrits avec la matière-même du temps.
Étude sur la révolution anthropologique en Italie
Pier Paolo Pasolini - Écrits corsaires

Chronite aiguë - Diégèse 2016 - Péguy-Pasolini #09










30 avril







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