Diégèse | |||||||||
vendredi 2 décembre 2016 | 2016 | ||||||||
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#Péguy-Pasolini - les textes de Diégèse 2016 - | |||||||||
Février 1975 Chiens Dans une lettrecejour au Corriere, le théologien Don Giovanni Giavini demande ce qu'il y a de vrai dans mon affirmation (dans un article de ce même Corriere, 30-1-1975) que saint Paul fut homosexuel et que, de la part des catholiques informés, il n'y a pas de scandale à ce sujet. (Du reste, même Don Giovanni Giavini ne se scandalise pas ; je rappellerais, par ailleurs, que l'homosexualité de saint Augustin est désormais, et même depuis toujours, acceptée, dans la mesure où c'est saint Augustin lui-même qui la confesse.) Pour saint Paul, qui était vraisemblablement inconscient de cette différence (qui, refoulée, suscitait précisément en lui cet état pathologique qui est universellement admis, et qu'il a à son tour confessé dans ses « Épîtres »), l'intervention de la psychanalyse a été nécessaire pour en interpréter les symptômes et en tenter un diagnostic. Voyez, pour les catholiques « désobéissants », le Saint Paul ou le colosse aux pieds d'argile d'Émile Gillabert, éditions Métanoïa, 1974 ; pour les catholiques « obéissants », je citerais : « Si, dans sa jeunesse, il a fréquenté le stade, ces escapades clandestines qui constituaient un péché contre la loi — ces concessions à la fascination du fruit défendu — seraient à mettre parmi celles qu'on lit en filigrane dans la page pathétique de l'Épître aux Romains et dans laquelle certains psychanalystes ont tout bonnement voulu voir, à la lumière de leur « art » et en les reliant à d'autres indications contenues dans les Épîtres, une tendance à la pédérastie... » (Jean Colson, Saint Paul apôtre martyr, Mondadori éditeur, 1974, et Éditions du Seuil, Paris, 1971). Dans l'article que la personne chargée des titres au Corriere a intitulé : « Je suis contre l'avortement » alors qu'il devait l'intituler mieux : « Je suis contre une lutte triomphaliste pour la légalisation de l'avortement » — je n'ai pas résisté à la tentation d'ouvrir une brève, et donc schématique, parenthèse écologique. C'est dans cette parenthèse qu'est intervenue une observation sur l'amour appelé « contre nature » (mais pas nécessairement homosexuel), et j'en ai profité pour m'offrir une petite vengeance contre De Marsico, qui avait traité Braibanti de « porc » et condamné l'amour homosexuel parce que, n'étant pas procréateur, il serait nocif pour la continuation de l'espèce. Le contexte dans lequel cette petite vengeance intervenait était pourtant strictement fonctionnel, puisque aussi bien De Marsico a été l'un des collaborateurs les plus autorisés du code Rocco, c'est-à-dire du code fasciste. |
Dans un texte de 1975, publié chez Flammarion dans le recueil intitulé Écrits corsaires, Pasolini ferraille durement contre plusieurs écrivains italiens, dont Umberto Eco, qui ont réagi tout aussi durement à l'article publié un peu plus tôt dans le Corriere de la sera, sous le titre Pasolini est contre l'avortement. Le hasard de l'écriture et de la lecture fait que ces textes de Pasolini font subitement écho aux débats, que l'on nomme encore politiques, de la scène française en cette fin d'année 2016. Cet écho n'est pas assourdi par le temps et l'on est même abasourdi par l'extrême actualité des propos de Pasolini si bien que l'on se prend à penser que le même texte publié aujourd'hui par une personne aussi célèbre que Pasolini l'était en 1975 provoquerait en France, cette fois, le même lynchage. Bien sûr, le lecteur de 2016 sait que dix mois après ce débat dans la presse, le lynchage de l'auteur n'aura pas été que médiatique et que Pasolini aura été salement assassiné, par ce qu'il nommait « le complot noir », c'est à dire une alliance qui n'était pas une alliance de circonstance, mais bien une alliance structurelle et historique de la vie politique et économique italienne entre la mafia, les composantes les plus réactionnaires de l'Église, les fascistes et néo-fascistes et la démocratie chrétienne, et cette mort tragique et dégueulasse suffit évidemment à modifier notre lecture. Mais, surtout, nous ne sommes pas dans l'Italie des années 1970, et même, nous n'avons - nous = les Français - jamais été italiens, au sens où les poussées fascisantes en France ne se sont pas construites sur les mêmes alliances qu'en Italie, pour de multiples raisons, qui sont d'abord des raisons culturelles et qui sont ensuite des raisons politiques et historiques. Il n'y a donc pas de rapprochement littéral à effectuer en attribuant à des protagonistes du débat français d'aujourd'hui tel ou tel qualificatif issu de l'Italie d'il y a quarante ans. Mais il y a, en revanche, à observer comment un poète qui exprime publiquement une opinion jugée contraire à la doxa, fût-elle de gauche, est assassiné d'abord par des outils rhétoriques et linguistiques grossiers avant de l'être dans sa chair sur une plage d'Ostie, et d'en tirer quelques conséquences. En effet, au-delà des circonstances historiques et culturelles, au-delà de l'identité des rhéteurs et des polémistes, ce qui s'oppose, et qui s'oppose parfois jusqu'à l'insulte et l'injure, est toujours à l'œuvre, et plus vivace que jamais dans ce qu'il est convenu de nommer la vie politique française, qui n'est souvent que la médiatisation forcenée de coups électoralistes tactiques se fondant sur ce que l'on croit être l'opinion des masses, voire ce que l'on croit devoir être l'opinion de sa famille politique, et ce, jusqu'au mépris des libertés individuelles. |
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Pier Paolo Pasolini - Écrits corsaires - Chiens | Péguy-Pasolini #23 - Texte continu | ||||||||
2 décembre | |||||||||
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