Diégèse | |||||||||
mercredi 7 décembre 2016 | 2016 | ||||||||
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Ce qui fait à
Jaurès dans ce double crime, dans ce crime au deuxième degré, une
responsabilité culminante, c'est que lui entre tous il était un
politique, un politicien comme les autres et que lui il disait qu'il
était un mystique. Il me chicanerait naturellement sur ce mot, car
c'est un homme de marchandage, et de plus maquignon que je connaisse.
Mais il sait très bien ce que nous voulons dire. Par son passé universitaire, intellectuel, par son commencement de carrière universitaire, intellectuelle, par ses relations, par tout son ton, par le grand nombre, par le faisceau d'amitiés ardentes qui montaient vers lui et qu'il encourageait, complaisamment, qu'il excitait constamment à monter vers lui, amitié de pauvres, de petites gens, de professeurs, de nous, et qu'il récapitulait pour ainsi dire en lui, qu'il ramassait comme un foyer ramasse un faisceau de lumière et de chaleur, Jaurès faisait figure d'une sorte de professeur délégué dans la politique, mais qui n'était pas politique, d'un intellectuel, d'un philosophe (dans ce temps-là tous les agrégés de philosophie étaient philosophes, comme aujourd'hui ils sont tous sociologues). D'un homme qui travaillait, qui savait ce que c'est que de travailler. Qui avait un métier. Il faisait essentiellement figure d'un impolitique, d'un homme qui était comme chargé de nous représenter, de nous transmettre dans la politique. Au contraire c'était un politicien qui avait fait semblant d'être un professeur qui avait fait semblant d'être un intellectuel qui avait fait semblant de travailler et de savoir travailler, d'avoir un métier, qui avait fait semblant d'être des nôtres, qui avait fait semblant de tout. |
Moins d'un an
avant sa mort, Pasolini dénonçait l'injure
sous-jacente dans
les critiques émises par ses amis politiques sur sa position sur
l'avortement comme s'il pressentait que ces critiques étaient une sorte
de meurtre symbolique qui conduirait au meurtre véritable. En janvier
1975, quand ce débat grondait dans la presse italienne, personne ne
pouvait savoir que,
quelques mois plus tard, le meurtre politique de Pasolini serait
camouflé comme le meurtre crapuleux d'un homme mûr
draguant les ragazzi dans les dunes d'Ostie. Soixante-dix ans plus tôt,
dans des circonstances historiques fort différentes, dans des
circonstances politiques fort différentes, et aussi des circonstances
culturelles qui ne se ressemblent pas, Péguy porte une charge
littéraire d'une violence inouïe contre Jaurès, ce même Jaurès qui sera
assassiné quelques années plus tard, car dénonçant
la guerre capitaliste qui arrivait. Péguy, avec le recul du temps, se
trompait certainement et il suffit de lire les noms sur les monuments
aux morts de chaque petit village de France pour être du côté de Jaurès
dans la dénonciation impérative de ce qui allait être une insupportable
saignée de la jeunesse. Le
mouvement est le même : un appel au
meurtre, même symbolique, peut conduire au meurtre véritable, au
meurtre de chair et de sang. Ainsi, dans les cénacles politiques, les insultes demeurent verbales, même quand leur violence engage dans la parole tout le corps des orateurs, mais, dans la rue, ce qui rode, c'est le meurtre, le véritable meurtre, le sordide meurtre et ces meurtres se nourrissent aussi de ces insultes-là. |
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Charles Péguy - Notre Jeunesse - | Péguy-Pasolini #23 - Texte continu | ||||||||
07 décembre |
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