Comment
ne pas noter aussi son exact, son parfait, son réel
internationalisme, Israël excepté, l'exactitude, l'aisance, l'allant de
soi de son internationalisme, qui était beaucoup plus simple, beaucoup
trop naturel, nullement appris, nullement forcé, nullement livresque,
beaucoup trop aisé, beaucoup trop allant de soi pour jamais être un
antinationalisme. Quand il parlait des Polonais pour les Bretons, ce
n'était point un amusement, un rapprochement piquant. Ce n'était point
un jeu d'esprit et pour jouer un bon tour. C'était naturellement qu'il
voyait sur le même plan les Bretons et les Polonais. Il voyait vraiment
la Chrétienté comme l'Islam, ce que nul de nous, même ceux qui le
voudraient le plus, ne peut obtenir. Parce qu'ils était bien réellement
également en dehors des deux. Vue, angle du regard que nul de nous ne
peut obtenir. Au moment où on faisait, même et peut-être surtout autour
de lui, tout ce que l'on pouvait humainement pour évincer ses Juifs de
Roumanie, par politique pour ne pas compromettre, pour ne pas charger
le mouvement arménien, et qu'il y voyait très clair, dans cet
assourdissement, un vieil ami de Quartier venait de le quitter. Il me
dit doucement, haussant doucement les épaules, comme il faisait, me le
montrant pour ainsi dire des épaules, pardessus le haut de ses épaules
: Il veut encore me rouler avec ses Arméniens. C'est toujours la même
chose. Ils entreprennent le Grand Turc parce qu'il est Turc et ils
ne veulent pas qu'on dise un mot du roi de Roumanie parce qu'il est
chrétien. C'est toujours la collusion de la chrétienté. Comment ne pas noter enfin comme c'est bien écrit, posé, mesuré, clair,
noble, français. Il ne faut pas recevoir des justifications semblables.
Une certaine proposition, un certain propos. Une certaine délibération.
Un certain ton, une certaine résonance cartésienne même.
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Regarder
ailleurs... C'est aussi que certains jours, on ne sait plus vraiment où
regarder... Le chauffeur d'un camion immatriculé en Pologne a tué une
douzaine de personnes sur un marché de Noël à Berlin. Un policier turc
de vingt-deux ans a tué l'ambassadeur de Russie lors du vernissage
d'une exposition à Ankara. Le quarante-cinquième président des
États-Unis, M. Donald Trump, a désigné celui qui sera ambassadeur de
son pays en Israël. Il s'agit de M. David Friedman, qui soutient
financièrement l'extrême-droite israélienne et défend la colonisation
de la Cisjordanie. C'est ce dernier, avocat, qui a défendu M. Trump
devant les tribunaux après la faillite de ses casinos d'Atlantic City,
écrit le journal Le Monde dans son éditorial.
Regarder ailleurs quand l'horizon entier se bouche ?
Comme pour l'attentat de Nice, le camion de Berlin fait la une des
journaux et il est difficile d'échapper à cette image d'un camion qui
tracte une semi-remorque grise. Cette image est un oxymore,
puisqu'elle ne montre rien et que son objectif est de ne rien montrer.
Aller plus loin que ce camion, le dépasser, ce serait découvrir la
scène des meurtres et cela n'est ni admis, ni admissible. Alors,
pourquoi la montrer ? Si l'on nous dit qu'il y avait un camion, cela
nous suffit, personne n'a réclamé de preuves. Mais; le rôle de cette
image est de s'adresser directement à l'imaginaire, de déclencher
l'imagination. En cela, elle est plus obscène que toute autre image,
car elle dissimule au voyeur son propre voyeurisme.
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