C'est
vrai : comme je viens de le dire, aux plaintes pathétiques du
rédacteur de l'Osservatore fait immédiatement suite — dans les cas
d'opposition « classique » — l'action de la magistrature
et de la
police. Mais il s'agit d'une situation en survivance. Le Vatican trouve
encore de vieux hommes qui lui sont fidèles au sein de l'appareil
d'État : maïs, justement, ils sont vieux ; et le futur
n'appartient ni
aux vieux cardinaux, ni aux vieux hommes politiques, ni aux vieux
magistrats ou encore aux vieux policiers. Le futur appartient à la
jeune bourgeoisie, qui n'a plus besoin de «tenir» le pouvoir à l'aide
de ses instruments classiques et ne sait que faire d'une Église qui,
désormais, est condamnée à disparaître de par son appartenance à ce
monde humaniste du passé, qui constitue un obstacle à la nouvelle
révolution industrielle. En effet, le nouveau pouvoir bourgeois
nécessite, de la part des consommateurs, un esprit complètement
pragmatique et hédoniste : un univers mécanique et purement
terrestre
dans lequel le cycle de la production et de la consommation puisse
s'accomplir selon sa nature propre. Il n'y a plus place pour la
religion et surtout pas pour l'Église. La lutte répressive que le
nouveau capitalisme accomplit encore par l'intermédiaire de l'Église
est une lutte retardée et destinée, selon la logique bourgeoise, à être
rapidement abandonnée, ce qui aura pour conséquence la dissolution
« naturelle » de l'Église. |
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Les
événements de la place Tahrir du Caire en 2011, puis ceux, sur la même
place en 2013, et enfin ceux de Cologne début 2016 marquent un
changement d'époque, le basculement de l'époque. Les technocrates
aiment à inventer des indicateurs sociaux. La dangerosité de l'espace
public pour tout ou partie de la population est un de ces indicateurs,
que l'on nomme « sécurité ». La dangerosité de ce même espace
public pour la catégorie de la population « femme » est un
sous-indicateur du premier. Le plus souvent, cet indicateur et ce
sous-indicateur sont quantitatifs : nombre de crimes et de délits.
Mais, cet indicateur peut aussi être qualitatif. Or, la qualité de
l'espace public pour les femmes se dégrade singulièrement partout sur
la planète. Est-ce une question de religions ? Est-ce
l'Islam ?
En apparence, certainement. Ce serait sot de nier que le retour des
intégrismes musulmans dans des pays qui avaient connu des périodes où
l'esthétique de la libération des femmes avait primé entraîne
mécaniquement une dégradation de la qualité de vie des femmes dans
l'espace public. Mustapha Kemal en Turquie, Gamal Abdel Nasser en
Égypte ou encore Habib Bourguiba en Tunisie ont tous trois pris
position contre le voile islamique. C'est que leur régime était
d'inspiration marxiste, et que les marxistes ont toujours jugé que la
lutte contre le cléricalisme passait par la libération des femmes de ce
même cléricalisme. Mais, il faut bien considérer qu'au-delà des
religions, bien au-delà, et de façon massive, ce qui joue contre les
femmes et qui se joue contre elles, c'est l'assignation à une
consommation « genrée » dont elles
finissent pas être l'objet même, ce que Freud aurait appelé une
réification de masse. |