Les étudiants
qui ont fait
(normalement ou sur un mode contestataire) ces dissertations, sont les
petits
frères de ceux qui se sont révoltés en 1968. Ce serait une erreur que
de croire
qu'on les a réduits au silence, à un état de passivité caractéristique
d'une
réaction à l'ancienne, celle qui (comme les sujets ci-dessus examinés
le
démontrent) plairait aux autorités scolaires. Dans l'énorme majorité
des cas, leur silence et leur passivité ont les apparences d'une espèce
d'atroce
névrose euphorique, qui leur fait accepter sans plus aucune résistance
le
nouvel
hédonisme que le nouveau pouvoir réel substitue à toutes les autres
valeurs
morales du passé. Pour une petite minorité, en revanche, silence et
passivité ont les caractères de la névrose d'anxiété, qui conserve
réelle la
possibilité
d'une protestation. Mais ce sont là les derniers, vraiment les tout
derniers
humanistes. Ce sont de jeunes pères, comme nous sommes de vieux
fils ;
et tous
destinés à disparaître, avec tout ce qu'on lègue : la tradition,
la confession
religieuse, le fascisme. on les (et nous) remplace par des hommes
nouveaux et
porteurs de valeurs aussi indéchiffrables qu'incompatibles avec celles,
si
dramatiquement contradictoires, que nous avons vécues jusqu'à
aujourd'hui. Tout
cela, les meilleurs d'entre les jeunes le comprennent instinctivement -
mais
ils ne sont pas capables, je crois, de l'exprimer. |
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Ainsi,
l'art et la prophétie ont ceci de commun que, dans l'ordre du sens, ils
vont de la littéralité à la littéralité en contournant, en dépassant,
en surpassant, en surplombant le champ des échanges sémantiques
communs, qui sont
quant à eux comme coincés entre le dénoté et le connoté. Les charlatans
de la littéralité, bien pensants de tous les bords, prennent la
littéralité pour un dénoté, ou pour un connoté, ou pour les deux, et,
ce
faisant, disqualifient ce qu'ils croient défendre ou exaltent ce qu'ils
croient combattre. C'est ainsi que les fondamentalistes méconnaissent
la valeur intrinsèquement ésotérique de la littéralité de la prophétie
quand, les commentateurs réactionnaires de l'art veulent faire entrer
l'œuvre dans leur univers d'échanges sémantiques normés, œuvre qui ne
peut que lui échapper.
Quant aux religieux iconophobes, que dire d'eux sinon que ce sont des
cumulards. |