La
maintiennent-elle autant ? À travers tout un siècle et plus,
en un certain sens, presque depuis la deuxième moitié du dix-huitième
siècle. Je croirais bien volontiers avec lui qu'un petit nombre de
fidélités familiales, dynastiques, héréditaires ont maintenu,
maintiennent la tradition, la mystique et ce que Halévy nommerait très
justement la conservation républicaine. Mais où je ne croirais
peut-être pas avec lui, c'est que je crois que nous en sommes
littéralement les derniers représentants, et à moins que nos enfants ne
s'y mettent, presque les survivants, posthumes. En tout cas les
derniers témoins. Je veux dire très exactement ceci : nous ne savons
pas encore si nos enfants renoueront le fil de la tradition, de la
conversation républicaine, si se joignant à nous par-dessus la
génération intermédiaire ils maintiendront, ils retrouveront le sens et
l'instinct de la mystique républicaine. Ce que nous savons, ce que nous
voyons, ce que nous connaissons de toute certitude, c'est que pour
l'instant nous sommes l'arrière-garde. |
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Mais
ce qui est certain, avec l'apparition de cette tondeuse,
c'est qu'elle signe ce que l'on savait sans vouloir le savoir, sans
vouloir le comprendre, sans même vouloir l'imaginer, c'est qu'elle
prouve si c'était encore nécessaire, que le « provincial »,
tel qu'il est encore dépeint dans les romans du 19e
siècle, cet homme « de nos campagnes » qui demeure l'horizon
fantasmatique du personnel politique, cet
homme rural que l'on voit encore dans les publicités fabriquées pour
vendre des produits qualifiés de « bio », ce qui
est certain, donc, c'est que cet homme n'existe plus s'il a jamais
existé. Si nous en avons encore
une idée, une image,
un vague pressentiment, c'est que les reflux de la
troisième République sont parvenus jusqu'à nous, et que nous avons lu
Pagnol et quelques autres livres de propagande du 20e
siècle qui vantaient le siècle précédent, et c'est sans doute aussi,
malgré tout, comme l'aurait dit Péguy, parce que nous sommes
« l'arrière-garde ». Il faudrait ainsi enseigner désormais,
inculquer
l'idée au personnel politique que l'homme aveyronnais s'épile
intégralement et cela devrait changer radicalement son discours
politique. |