Diégèse




jeudi 7 juillet 2016



2016
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#Péguy-Pasolini - les textes de Diégèse 2016 -










L'affaire Dreyfus fut un recoupement, une culmination de trois mystiques au moins. Premièrement elle fut sur le chemin de la mystique hébraïque. Pourquoi le nier. Ce serait le contraire au contraire qui serait suspect. Il y a une politique juive. Pourquoi le nier. Ce serait le contraire au contraire qui serait suspect. Elle est sotte, comme toutes les politiques. Elle est prétentieuse, comme toutes les politiques. Elle est envahissante, comme toutes les politiques. Elle est inféconde, comme toutes les politiques. Elle fait les affaires d'Israël comme les politiciens républicains font les affaires de la République. Elle est surtout occupée, comme toutes les politiques, à étouffer, à dévorer, à supprimer sa propre mystique, la mystique dont elle est issue. Et elle ne réussit guère qu'à cela. Loin donc qu'il faille considérer l'affaire Dreyfus comme une combinaison, politique, un agencement, comme une opération de la politique juive1, il faut au contraire la considérer comme une opération, comme une œuvre, comme une explosion de la mystique juive.
Les politiciens, les rabbins, les communautés d'Israël, pendant des siècles et des siècles de persécutions et d'épreuves, n'avaient que trop pris l'habitude, politique, le pli de sacrifier quelques-uns de leurs membres pour avoir la paix, la paix du ménage politique, la paix des rois et des grands, la paix de leurs débiteurs, la paix des populations et des princes, la paix des antisémites. Ils ne demandaient qu'à recommencer. Ils ne demandaient qu'à continuer. Ils ne demandaient qu'à sacrifier Dreyfus pour conjurer l'orage. La grande majorité des Juifs est comme la grande majorité des (autres) électeurs. Elle craint la guerre. Elle craint le trouble. Elle craint l'inquiétude. Elle craint, elle redoute plus que tout peut-être le simple dérangement. Elle aimerait mieux le silence, une tranquillité basse. Si on pouvait s'arranger moyennant un silence entendu, acheter la paix en livrant le bouc, payer de quelque livraison, de quelque trahison, de quelque bassesse une tranquillité précaire. Livrer le sang innocent, elle sait ce que c'est. En temps de paix elle craint la guerre. Elle a peur des coups. Elle a peur des affaires. Elle est forcée à sa propre grandeur. Elle n'est conduite à ses grands destins douloureux que forcée par une poignée de factieux, une minorité agissante, une bande d'énergumènes et de fanatiques, une bande de forcenés, groupés autour de quelques têtes qui sont très précisément les prophètes d'Israël.

Mais, revenons aux différentes définitions du mot « culture » données par le dictionnaire de l'Académie française. Si l'on exclut de notre réflexion la culture de la terre, tout en gardant à l'esprit qu'il s'agit là du terme originel dont les autres acceptions découlent par un procédé métaphorique qui s'est peu à peu effacé, il y a donc deux acceptions principales : la culture de la personne, culture individuelle, culture de soi, et la culture collective, culture des groupes, ces groupes pouvant avoir des tailles différentes allant jusqu'au peuple, sinon jusqu'à l'humanité toute entière. On pourrait croire que la culture d'un groupe est, par une sorte d'opération arithmétique ou statistique bien choisie, la résultante de l'ensemble des cultures de chaque personne qui compose ce groupe. Plusieurs branches des sciences humaines fondent à raison leurs travaux sur ce type de postulat opérationnel. La culture de chacun n'est pas sans rapport avec la culture de tous. Pour autant, il n'en demeure pas moins qu'il ne peut y avoir qu'une mise en tension de la culture de soi et la culture du groupe, les cultures des groupes. En effet,cet « effort personnel et méthodique » qui, selon le dictionnaire, caractérise la culture de la personne, la culture de chacun, s'effectue bien sûr dans le cadre des cultures des groupes auxquels cette personne appartient, mais, pour mieux s'en extraire ou s'en distinguer. C'est l'objectif d'émancipation de la culture, celui que poursuivaient les fondateurs des politiques culturelles. Les inventeurs du théâtre populaire n'avaient pas pour objectif de distraire le peuple, ni même de l'instruire, mais celui de lui permettre d'accéder à d'autres outils de compréhension du monde à des fins de liberté individuelle et collective. Il en va de même pour les livres et les bibliothèques populaires. Si la culture d'un groupe peut s'identifier par ses livres, la culture des individus qui composent ce groupe va se bâtir sur la lecture - faite ou non d'ailleurs - de ces livres et sur l'influence qu'aura eue cette lecture sur la personnalité de chacun. Dans ce qu'il est convenu d'appeler la « culture de l'écrit », la bibliothèque d'une personne pourra constituer un indice de sa culture potentielle, qui s'avèrera ou non par l'activation que cette même personne aura faite de ses lectures dans sa propre vie. Et c'est là la première tension. La chaîne économique de production du livre a tout intérêt à ce que le plus grand nombre de personnes fasse l'acquisition du même livre au même moment et, accessoirement, en fasse la lecture, au moins pour la recommander à d'autres. Mais, pour mener à bien son processus de culture, chaque personne, à l'idéal, a besoin de pouvoir faire son choix de lecture dans l'infinité de la production livresque, ce qui va à l'encontre des intérêts de ceux qui produisent et qui vendent les livres. La résolution de cette tension est précisément de l'ordre de la politique culturelle, et ce sont les bibliothèques, et c'est le prix unique du livre...
Charles Péguy - Notre Jeunesse  -
Péguy-Pasolini #13 - Diégèse 2016
1. Il convient ici de rappeler que Péguy écrit Notre jeunesse en 1910, avant de mourir dans les premiers combats de 1914. Il a été l'un des premiers défenseurs de Dreyfus, et Notre jeunesse, pamphlet politique qui oppose la mystique à la politique  se fonde sur le souvenir des luttes pour Dreyfus. Il ne faudrait donc pas lire le texte de Péguy à la lumière des  événements qui se sont déroulés lors de la montée du fascisme et du nazisme et de l'antisémitisme des années 1930, de la shoah et de la création de l'État hébreu. Ce serait évidemment un contresens.















7 juillet







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