Diégèse | |||||||||
lundi 11 juillet 2016 | 2016 | ||||||||
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Alors,
obscurément, ils
aimeraient mieux qu'on ne recommence pas. Ils ont peur des coups. Ils
en ont tant reçu. Ils aimeraient mieux qu'on n'en parle pas. Ils ont
tant de fois payé pour eux-mêmes et pour les autres. On peut bien
parler d'autre chose. Ils ont tant de fois payé pour tout le monde,
pour nous. Si on ne parlait de rien du tout. Si on faisait des affaires, de(s) bonnes affaires. Ne triomphons pas. Ne triomphons pas d'eux. Combien de chrétiens ont été poussés à coups de lanières dans la voie du salut. C'est partout pareil. Ils ont peur des coups. Toute l'humanité a généralement peur des coups. Au moins avant. Et après. Heureusement elle n'a quelquefois pas peur des coups pendant. Les plus merveilleux soldats peut-être du grand Napoléon, ceux de la fin, ne provenaient-ils pas généralement de bandes de déserteurs et d'insoumis que les gendarmes impériaux avaient poussés, menottes aux mains, avaient refoulés comme un troupeau jusqu'en cette île de Walcheren. De là sortit pourtant Lutzen, Bautzen, la Bérésina, le glorieux Walcheren-Infanterie, 131me de l'arme. Ils ont tant fui, tant et de telles fuites, qu'ils savent le prix de ne pas fuir. Campés, entrés dans les peuples modernes, ils voudraient tant s'y trouver bien. Toute la politique d'Israël1 est de ne pas faire de bruit, dans le monde (on en a assez fait), d'acheter la paix par un silence prudent. Sauf quelques écervelés prétentieux, que tout le monde somme de se faire oublier. Tant de meurtrissures lui saignent encore. Mais toute la mystique d'Israël est qu'Israël poursuive dans le monde sa retentissante et douloureuse mission. De là des déchirements incroyables, les plus douloureux antagonismes intérieurs qu'il y ait eu peut-être entre une mystique et une politique. |
Comme le soulignait déjà Pasolini, peu à peu, le terme « culture » n'est plus employé que dans son acception restreinte, et le « gouvernement de la culture », confié pour l'État à un ministère, et pour les collectivités à des directions spécialisées, s'est restreint à un gouvernement des beaux-arts, incluant le patrimoine, et dans lequel les industries dites culturelles tendent tout à la fois à prendre plus de place tout en devenant toujours davantage des industries du divertissement. Cela n'est pas sans conséquence, car les autres ministères et les autres directions des collectivités se considèrent ainsi dédouanées de devoir s'occuper des questions culturelles, sauf par raccroc. Ainsi, ce qui est non seulement une part intrinsèque de la nation, la culture, mais l'élément fondamental qui définit la nation, vivote, réduit à l'art d'hier et d'aujourd'hui et aux « machines à rêves », comme Malraux appelait le cinéma et ses avatars télévisuels et maintenant numériques. À force de prendre la partie pour le tout, on ne sait plus ce qu'est le tout, et on a de moins en moins d'intérêt pour la partie. Et, peu à peu plus personne ne prend en charge la question culturelle. Est-ce que c'est grave ? Oui, ça l'est. On ne demande pas d'enrégimenter la culture de la Nation dans tous ses aspects, mais au moins que l'on sache de quoi on parle. Car, ne plus en parler donne toute la place à ceux qui, en en parlant, n'ont de cesse que de pointer de supposées différences culturelles aux fins de stigmatiser une partie du peuple, qui est aussi la partie la plus démunie. Si l'on considère un instant la culture du peuple de France, donnant au mot « culture » son sens le plus large, on peut s'apercevoir qu'elle est assez unifiée. Les modes de consommation sont les mêmes, dans les mêmes magasins régulés seulement par le pouvoir d'achat. Les modes de divertissement sont aussi les mêmes. La langue, la prosodie et l'accent ne sont plus spécifiés par les lieux d'habitation et ce que l'on appelait auparavant « l'accent des banlieues » est en fait l'accent de toute la jeunesse, ou presque. Certes, certaines femmes portent des foulards et d'autres non. La belle affaire ! Certains prient et d'autres non. Soit ! La liberté de conscience est la mère de la laïcité. Est-ce que tout cela suffit en soi à distinguer une culture qui serait différente, surtout quand la pauvreté des pauvres est la même quelle que soit le nom et la couleur de la peau ? | ||||||||
Charles Péguy - Notre Jeunesse - | Péguy-Pasolini #13 - Diégèse 2016 | ||||||||
1. Il convient ici de rappeler que Péguy écrit Notre jeunesse en 1910, avant de mourir dans les premiers combats de 1914. Il a été l'un des premiers défenseurs de Dreyfus, et Notre jeunesse, pamphlet politique qui oppose la mystique à la politique se fonde sur le souvenir des luttes pour Dreyfus. Il ne faudrait donc pas lire le texte de Péguy à la lumière des événements qui se sont déroulés lors de la montée du fascisme et du nazisme et de l'antisémitisme des années 1930, de la shoah et de la création de l'État hébreu. Ce serait évidemment un contre sens. | |||||||||
11 juillet |
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