Diégèse | |||||||||
jeudi 14 juillet 2016 | 2016 | ||||||||
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Aujourd'hui,
dans les villes de
l'Occident aussi — mais je voudrais parler surtout de
l'Italie — on est
frappé par l'uniformité de la foule, quand on marche dans les
rues :
ici aussi, on ne note plus de différence importante entre les passants
(surtout les jeunes) dans la façon de s'habiller, de marcher, d'être
sérieux, de soupirer, de faire des gestes, dans, en somme, la façon de
se comporter. Et l'on peut donc dire, comme pour la foule russe, que le
système des signes du langage physico-mimique n'a plus de variantes,
qu'il est parfaitement identique en tous. Mais, tandis qu'en Russie
c'est un phénomène si positif qu'il en est exaltant, en Occident, c'est
au contraire un phénomène négatif qui met dans un état d'âme qui frôle
le dégoût et le désespoir. Car la proposition première de ce langage physico-mimique, la voici : « le Pouvoir a décidé que nous sommes tous égaux. » La fièvre de la consommation est une fièvre d'obéissance à un ordre non énoncé. Chacun, en Italie, ressent l'anxiété, dégradante, d'être comme les autres dans l'acte (le consommer, d'être heureux, d'être libre, parce que tel est l'ordre que chacun a inconsciemment reçu et auquel il « doit » obéir s'il se sent différent. Jamais la différence n'a été une faute aussi effrayante qu'en cette période de tolérance. L'égalité n'a, en effet, pas été conquise, mais est, au contraire, une « fausse » égalité reçue en cadeau. L'une des caractéristiques principales de cette égalité qui s'exprime dans la vie est, en dehors de la fossilisation du langage (les étudiants parlent comme des livres, les enfants du peuple ont perdu toute inventivité argotique), la tristesse ; la gaieté est toujours exagérée, ostentatoire, agressive, offensive. La tristesse physique dont je parle est profondément névrotique ; elle dépend d'une frustration sociale. |
Pasolini s'émerveillait de l'uniformité de la rue soviétique, comme étant une uniformité conquise par la lutte des classes pour les prolétaires. Plus de quarante ans plus tard, plus de vingt ans après la chute du Mur de Berlin, ses propos, pour une fois, paraissent naïfs et empreints d'idéologie, ce qu'il aurait certainement nié, puis détesté. On sait désormais que la rue moscovite était surtout moscoutaire, avec des corps brimés et endeuillés de toute liberté. Mais, ce que Pasolini avait décelé, c'est la nécessité d'une nouvelle forme de lutte politique contre l'apparence uniforme des foules modernes des villes occidentales et, pour Pasolini, des villes italiennes. Ce qui se joue dans l'accoutrement de ces foules, c'est un conflit qui n'abolit pas la lutte des classes, mais qui la transcende, conflit de mise en tension entre le semblable et le différent, mouvement schizophrène enclenché par la publicité consumériste qui assigne à tous d'êtres semblables et à chacun d'être différent. C'est ce même conflit qui se joue entre l'identité et la personnalité au profit de l'identité, plus vendeuse que la personnalité. La jeunesse est évidemment la première ciblée par la consommation qui va ainsi tenter de fixer en chaque jeune des identités successives pour chaque âge, comme on achète des vêtements pour les enfants, identités dotées de tous les accessoires nécessaires. Le développement de la personnalité viendrait par surcroît, et peu importe à la société ainsi conformée qu'il vienne ou non. Car, ce que la personnalité permet comme émancipation contrarie nécessairement la fièvre de la consommation. Et c'est à ce point-là que l'on peut rejoindre encore aujourd'hui Pasolini quand il affirme que « jamais la différence n'a été une faute aussi effrayante qu'en cette période de tolérance », après avoir énoncé que « la fièvre de la consommation est une fièvre d'obéissance à un ordre non énoncé. » Le développement culturel, œuvre d'émancipation individuelle et collective, serait donc ce qui accompagne la personne dans son effort de sevrage de la consommation, cette consommation dût-elle être celle de produits issus de l'industrie culturelle. | ||||||||
Enrichissement de l’ «
essai » sur la révolution anthropologique en Italie - Pier Paolo
Pasolini Écrits corsaires |
culture versus culture - Péguy-Pasolini #13 - Diégèse 2016 | ||||||||
14 juillet |
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