Diégèse




lundi 18 juillet 2016



2016
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#Péguy-Pasolini - les textes de Diégèse 2016 -










Les communistes qui se leurrent en croyant (par exemple avec le référendum) qu'ils commencent à recueillir les fruits de ce qu'ils ont semé, ne se rendent pas compte que la « participation » des masses aux grandes décisions historiques « formelles » est en réalité voulue par le pouvoir ; un pouvoir qui, précisément, a besoin d'une consommation de masse et d'une culture de masse. De plus, la masse « participante », même si elle est communiste ou progressiste, est manipulée par le pouvoir à travers l'imposition d'« autres » valeurs et d' « autres » idéologies ; une imposition qui s'opère dans le vécu, et dans le vécu s'opère son adoption. De sorte que les masses vivent de nouvelles valeurs et de nouvelles idéologies (le cléricalisme d'un côté, le progressisme de l'autre).
Malheureusement, ce « moment » d'immobilisme et ce caractère officiel du P.C.I. est parfaitement représenté par Maurizio Ferrara, dans la polémique à laquelle il se livre contre moi dans les colonnes de l'Unita. Il atteint à un manque de générosité indigne d'un dirigeant du plus grand parti italien. Même le « Borghese » n'est pas allé jusqu'à mettre en doute une certaine qualité de ma culture, en citant à mon propos les noms de Lombroso ou de Carolina Invernizio ; mais c'est là une offense que Ferrara a faite davantage aux lecteurs de l'Unita qu'à moi. Et c'est par respect pour eux que je ne lui réponds pas en employant sa méthode.
En définitive, Ferrara ne répond politiquement à aucune des questions que je pose. Silence absolu sur mon hypothèse d'une défaite du P.C.I. au référendum, car les prévisions du P.C.I. étaient pessimistes au point de carrément craindre cette défaite. C'est là le signe d'une analyse fautive de la situation réelle du peuple italien, et gravement fautive. Silence absolu sur le vide objectivement laissé par le monde paysan, avec ses valeurs négatives et positives. Silence absolu sur les nouvelles valeurs adoptées existentiellement par les classes moyennes, avec, comme conséquence, le dépassement effectif du cléricalisme et du paléofascisme. Silence absolu sur les caractères « scandaleux » du nouveau fascisme, qui rendent inutile l'antifascisme classique. Silence absolu sur les rapports racistes avec les fascistes jeunes et adolescents.
La réponse de Ferrara consiste à : a) purement et simplement affirmer de façon rhétorique la présence du P.C.I. (que personne n'a jamais mise en doute !) ; b) faire une série d'inférences à mon égard, qui consiste d'abord à m'attribuer traîtreusement des regrets que je n'ai pas du tout. Je ne regrette pas l'Italietta : je regrette l'immense univers paysan et ouvrier d'avant le développement, un univers transnational dans sa culture et international dans son choix du marxisme.

Jean Birnbaum (ouvrage déjà cité) s'emploie à retracer l'incapacité historique de la gauche française, dans toutes ses composantes, à prendre en compte le fait religieux dans les révolutions post-coloniales, en tout premier lieu en Algérie, mais aussi en Iran où, seul Michel Foucault en reportage pour le journal italien le Corriere de la Sera, dit alors avec insistance qu'il se passait alors quelque chose qu'il qualifie de « spiritualité politique ». Cela vaudra au philosophe d'être brocardé à gauche comme à droite, puis accusé même, quelques années après sa mort, d'avoir cautionné le régime des mollahs. L'analyse de Birnbaum sur l'aveuglement de la gauche peut valoir aussi pour la droite française, qui est au moins quadruplement empêtrée dans sa culture politique et dans son temps politique, et qui, en 2016 en tout cas, ne détient pas le pouvoir exécutif, ce qui semble l'autoriser à dire à peu près n'importe quoi. Elle est empêtrée car, bien que laïque, elle entretient un rapport différent de la gauche à la religion, aux religieux, se bornant cependant souvent à en servir les clercs, surtout les plus réactionnaires, et à aller glaner les voix des catholiques moralistes extrémistes, par exemple lors de la lutte contre le mariage pour tous. Elle est empêtrée car elle a historiquement un rapport différent de la gauche avec la question de l'immigration, dans une posture post-coloniale qui n'est pas celle de la gauche qui a accompagné - ou cru accompagner - les luttes de libération. Elle est empêtrée, car les courants maurrassiens qui la parcourent - on l'a vu avec le conseiller Buisson de Monsieur Sarkozy - sont toujours vivaces et agitent en permanence le spectre du multiculturalisme comme dilution de la Nation française, ce qui n'est rien d'autre que l'anathème jeté jadis par les ligues d'extrême droite contre le « cosmopolitisme ». Elle est empêtrée enfin, car, elle aime, comme tous les néo-conservateurs à tendance populiste, à apparaître comme autoritaire et répressive, favorisant ainsi la prison et une politique pénale dure, dont on a vu pourtant que, s'agissant de l'islamisme, qu'elle avait surtout servi la radicalisation et le recrutement pour le djihad, comme l'explique terriblement clairement Gilles Kepel. Derrière les prises de parole du personnel politique de droite, il faut lire, exprimé et vécu avec plus ou moins d'intensité, et presque explicitement pour le Front national, le fantasme d'un « grand retour » qui ferait que « ces gens-là qui ne sont « pas de chez nous » retourneraient « chez eux ». Évidemment, le « pas de chez nous » et le « chez eux » est flou et impraticable, mais c'est bien ce fantasme qui a secoué le débat politique, et pas seulement à droite, d'ailleurs, sur la question de la déchéance de nationalité. Mais c'est ainsi que l'on voit aujourd'hui des gens réputés raisonnables qui imputent à l'ancienne garde des sceaux le fait qu'un homme titulaire d'une carte de séjour, père d'enfant né en France, n'ait pas été reconduit à la frontière après une condamnation avec sursis. Ce qui est évidemment absurde dans un État de droit, et la sentence n'aurait pas été différente avant juin 2012. Derrière tout cela, il y a bien l'incapacité à percevoir et à dire ce qu'il en est de la question culturelle de la nation française aujourd'hui.
Enrichissement de l’ « essai » sur la révolution anthropologique en Italie - Pier Paolo Pasolini
Écrits corsaires

culture versus culture - Péguy-Pasolini #13 - Diégèse 2016

1. Un Silence religieux (la gauche face au djihadisme) - Jean Birnbaum - Le Seuil - Janvier 2016










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