Diégèse




dimanche 26 juin 2016



2016
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#Péguy-Pasolini - les textes de Diégèse 2016 -










Enfin, cher Calvino, je voudrais te faire noter une chose. Pas en moraliste, en analyste. Dans ta réponse empressée à mes thèses (Messagero, 18 juin 1974), une phrase doublement malheureuse t'a échappé, c'est celle-ci : « Les jeunes fascistes d'aujourd'hui, je ne les connais pas, et j'espère ne jamais les connaître. » Mais, 1) c'est vrai que tu n'en auras jamais l'occasion, car même si tu devais en rencontrer un dans le compartiment d'un train, dans la queue d'un magasin, dans la rue ou dans un salon, tu ne le reconnaîtrais pas. 2), Se souhaiter de jamais rencontrer de jeunes fascistes, c'est une énormité ! Nous devrions, au contraire, tout faire pour les repérer et les rencontrer. Ils ne sont pas les représentants fatals et prédestinés du Mal : ils ne sont pas nés pour être fascistes. Quand ils sont devenus des adolescents capables de choisir, d'après qui sait quelles raisons et quelles nécessités, personne ne leur a gravé dans le dos de façon raciste la marque des fascistes. C'est une forme atroce de désespoir et de névrose qui pousse un jeune à un tel choix ; et peut-être une seule petite expérience différente dans sa vie, une simple rencontre, aurait-elle suffi pour que son destin fût autre.
Et depuis deux jours que le vote en faveur du « Brexit » a eu lieu, les médias insistent sur ces citoyens britanniques qui ont voté en faveur de la sortie de leur pays de l'Union européenne et qui regretteraient leur vote, inquiets pour l'avenir. C'est sans doute vrai, mais ce n'est qu'un épiphénomène, pourtant présenté de façon massive, avec une insistance telle que, derrière, on ne peut qu'entendre « c'est bien fait pour eux ! » De la même façon, les analyses du scrutin mettent en évidence que les jeunes ont très majoritairement voté pour le maintien dans l'Union européenne, quand les personnes âgées, ont, quant à elles, très majoritairement voté contre, et de trouver cela injuste, que ces « vieux » qui n'ont que quelques années à vivre obèrent l'avenir de tous ces jeunes dont certains vivront jusqu'au siècle prochain. On peut en fait résumer ces commentaires en une seule phrase : « ces abrutis de pauvres et de vieux ont voté contre l'avenir ! » Il ne faut pas s'y tromper, c'est toujours la même rengaine, qui est celle de la performance, qui ne peut être que l'apanage des plus jeunes, cette doxa qui promeut une sorte de vitalisme beaucoup plus inquiétant que la chute, à l'évidence momentanée, de la Livre sterling. J'ai aussi pu lire que, dans une salle de marché de la « City », l'ordre avait été donné de vendre massivement quand le Premier ministre, Monsieur Cameron, était sorti sur le perron du 10-Downnig-Street pour faire son allocution, en compagnie de son épouse. Les banquiers en ont instantanément conclu que l'heure était grave. Dans l'ordre sémiotique para-fasciste des tabloïds, ils avaient raison. Si le Premier Ministre sortait avec sa femme, c'était, sur proposition de son service de communication, « pour la photo », la présence de l'épouse devant donner une touche de drame personnel tout en voulant capter et conserver la sympathie - ou la compassion - envers celui qui s'était trompé et qui « allait en tirer les conséquences ». À ces banquiers, qui jouent des milliards sur une image, un mot, une expression contrariée, personne ne va contester leur droit de vote, ni même leur lucidité. Ils ne sont pas vieux, pas pauvres et ils sont éduqués.
Ainsi, la double anomie anosognosique qui a frappé nos sociétés a ceci de curieux dans les symptômes qu'elle provoque, que ceux qui devraient savoir dire ne savent plus dire que le futile, quand l'important, est laissé aux sectaires, aux populistes, aux fanatiques, et à l'angoisse de ce qui ne peut plus se dire que par la violence.
Étroitesse de l'histoire et immensité du monde paysan - Pier Paolo Pasolini
Écrits corsaires

diégèse 2016 - Péguy-Pasolini #12 - Double anomie anosognosique










26 juin







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