Diégèse




samedi 19 mars 2016



2016
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#Péguy-Pasolini - les textes de Diégèse 2016 -










La réalité est beaucoup moins simple, beaucoup plus complexe et peut-être même beaucoup plus compliquée. La Révolution française fonda une tradition, amorcée déjà depuis un certain nombre d'années, une conservation, elle fonda un ordre nouveau. Que cet ordre nouveau ne valût pas l'ancien, c'est ce que beaucoup de bons esprits ont été amenés aujourd'hui à penser. Mais elle fonda certainement un ordre nouveau, non pas un désordre, comme les réactionnaires le disent. Cet ordre ensuite dégénéra en désordre(s), qui sous le Directoire atteignirent leur plus grande gravité. Dès lors si nous nommons, comme on le doit, restaurations les restaurations d'ordre, quel qu'il soit, d'un certain ordre, de l'un ou de l'autre ordre, et si nous nommons perturbations les introductions de désordre(s), le 18 Brumaire fut certainement une restauration (ensemble, inséparablement républicaine et monarchiste, ce qui lui confère un intérêt tout particulier, un ton propre, un sens propre, ce qui en fait une opération réellement très singulière, comparable à nulle autre, et qu'il faudrait étudier de près, à laquelle surtout il ne faut rien comparer dans toute l'histoire du dix-neuvième siècle français, et même et autant dans toute l'histoire de France, à laquelle enfin il ne faut référer, comparer nulle autre opération française, à laquelle on ne trouverait d'analogies que dans certaines opérations peut-être d'autres pays) ; (et surtout à qui il faut bien se garder de comparer surtout le 2 Décembre) ; 1830 fut une restauration, républicaine ; ah j'oubliais, on oublie toujours Louis XVIII ; la Restauration fut une restauration, monarchiste ; 1830 fut une restauration, républicaine ; 1848 fut une restauration républicaine, et une explosion de la mystique républicaine ; les journées de juin même furent une deuxième explosion, une explosion redoublée de la mystique républicaine ; au contraire le 2 Décembre fut une perturbation, une introduction d'un désordre, la plus grande perturbation peut-être qu'il y eut dans l'histoire du dix-neuvième siècle français ; il mit au monde, il introduisit, non pas seulement à la tête, mais dans le corps même, dans la nation, dans le tissu du corps politique et social un personnel nouveau, nullement mystique, purement politique et démagogique ; il fut proprement l'introduction d'une démagogie ; le 4 septembre fut une restauration, républicaine ; le 31 octobre, le 22 janvier même fut une journée républicaine ; le 18 mars même fut une journée républicaine, une restauration républicaine en un certain sens, et non pas seulement un mouvement de température, un coup de fièvre obsidionale, mais une deuxième révolte, une deuxième explosion de la mystique républicaine et nationaliste ensemble, républicaine et ensemble, inséparablement patriot(iqu)e ; les journées de mai furent certainement une perturbation et non pas une restauration, la République fut une restauration jusque vers 1881 où l'intrusion de la tyrannie intellectuelle et de la domination primaire commença d'en faire un gouvernement de désordre. C'est en ce sens, et en ce sens seulement, que le 2 Décembre fut le Châtiment, l'Expiation du 18 Brumaire, et que le Deuxième Empire fut le Châtiment du Premier.
Il serait faux, il serait injuste, il serait faux et injuste de penser que l'intello-fake se développe, se développe seulement dans le camp des conservatismes et de la réaction, qu'il prospère uniquement à droite, avec des idées de droite qui plaisent aux gens de droite et aux gens qui pensent être de gauche quand, à l'évidence, ils sont de droite. La gauche a aussi ses intello-fakes. Il y a bien sûr, encore, Michel Onfray, et c'est aussi ce qui fait son succès, d'être à droite et à gauche, sans être au centre, au centre politique tout en se plaçant au centre médiatique... ce qui tend à donner des indices sur le caractère non situé de sa pensée et de ses propos. On pourrait aussi classer dans le camp des intello-fakes, tout en respectant sa respectable longévité, cette longévité qui le respectabilise, l'institutionnalise et le statufie, Jacques Attali. Dès lors, il peut être intéressant de visionner, près de dix ans plus tard, un débat auquel participent Attali et Onfray, en 2007, dans l'émission « Esprits libres » animée par Guillaume Durand, qui tente de reprendre le format de la mythique « Apostrophes » présentée de 1975 à 1990 par Bernard Pivot. Onfray est plus jeune qu'aujourd'hui, le cou puissant, mis en valeur par un col en V. Attali n'a pas changé parce qu'Attali ne change pas. Et, comme toujours, Onfray commence par dire des choses avec lesquelles on peut être d'accord : la gauche est devenue libérale dans les années 1980 et a abandonné le peuple des banlieues. On croirait lire Pasolini. Ensuite, il dit que dans l'histoire de la philosophie, il y a les résistants et les collaborateurs, parmi lesquels Jacques Attali, tout en retirant le terme « collaborateur » qui, dit-il est connoté « politiquement ». On pourrait dire qu'il est surtout connoté historiquement. Et l'on attend avec impatience qui seraient aujourd'hui les philosophes résistants, outre lui-même, cela va sans dire. Il cite un mort et un vivant : Raymond Aron et Luc Ferry. Et voilà tout l'art d'Onfray en quelques minutes : passer de la gauche à la droite comme on joue au bonneteau. Car, imaginer Luc Ferry comme une figure de la philosophie de résistance est grotesque, et le serait même pour un observateur particulièrement inattentif. Luc Ferry a été ministre d'un gouvernement de droite quelques années plus tôt, ce qui ne le place pas immédiatement dans une position de résistance. Admettons cependant que Raymond Aron n'a pas été ministre. La suite du débat est édifiante. Onfray attaque, Attali se défend, rappelle que lui n'a jamais accepté d'être ministre, prétend que lui, agit, et renvoie son interlocuteur dans la pensée, qui, elle, n'agirait pas. Son interlocuteur répond qu'il a acheté un chapiteau pour réunir ses concitoyens d'Argentan, ce qui semble bien valoir le micro-crédit. Tout y passe, dans dans une bouillie dont il ressort principalement que les deux hommes ne sont en fait opposés en rien. Ils participent du même système médiatique et alignent, chacun à sa manière, les mêmes poncifs doxaux. Face à eux, Xavier Darcos affiche une certaine fraîcheur qui n'est d'ailleurs pas feinte. Je mets quiconque au défi de déterminer, à l'issue de ce faux débat, qui défend quoi, qui est de gauche, ou plutôt de gauche, et qui est de droite, ou plutôt de droite et même, qui est humaniste et qui ne le serait pas. Le but est atteint. Le but médiatique est atteint : la gauche et la droite, c'est pareil. Onfray est un Attali plus jeune. L'un et l'autre ne servent qu'une seule cour : celle des médias et n'ont qu'un seul pouvoir, leur notoriété.
Charles Péguy - Notre Jeunesse  -
Les Intello-Fakes - Diégèse 2016 - Péguy-Pasolini #05 -










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