Diégèse




dimanche 20 mars 2016



2016
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#Péguy-Pasolini - les textes de Diégèse 2016 -










Si l'on admet, à propos d'un intellectuel qui n'est pas homme politique - un écrivain, un savant - que l'on peut parler de son devoir d'intervention politique, c'est le moment de le faire. En 1968, et dans les années qui ont suivi, les raisons de s'agiter, de lutter et de crier étaient profondément justes, mais historiquement prétextuelles. La révolte des étudiants est née d'un jour à l'autre. Ils n'avaient pas de raisons objectives réelles, de se mettre en action (sinon l'idée que la révolution pouvait se faire alors ou plus jamais : mais c'est une idée abstraite et romantique). De plus, pour les masses, la vraie nouveauté historique, c'était la consommation, le bien-être et l'idéologie hédoniste du pouvoir. Aujourd'hui, au contraire, il y a des raisons objectives pour un engagement total. L'état d'urgence implique les masses, surtout et avant tout, les masses.
Je résumerai ces raisons en deux points : premièrement, une lutte, « immédiate », contre les vieux assassins fascistes qui recherchent la tension, non plus en lançant leurs bombes, mais en mettant à profit des désordres en partie justifiés par un mécontentement extrême ; deuxièmement, la remise en question du « compromis historique », à présent qu'il n'apparaît plus comme une intervention sur une situation inéluctable, le « développement », identifié avec tout notre futur, mais bien comme une aide aux hommes du pouvoir pour qu'ils maintiennent l'ordre. Je ne dirai pas de façon simpliste que le « réalisme » du compromis historique est définitivement dépassé, mais il est certain qu'il doit, au moins, être redéfini en dehors de son caractère de « manœuvre politique ». Cela donne donc une forme de lutte désespérément en retard et une autre très avancée. Mais c'est dans ces conditions ambiguës, contradictoires, frustrantes, peu glorieuses et odieuses que l'homme de culture doit s'attacher à la lutte politique, en oubliant ses colères manichéennes contre tout le Mal, colères qui opposent l'orthodoxie à l'orthodoxie.

Bien sûr, le système de notoriété porte en lui-même ses propres limites. Considérant désormais que l'intérêt d'inviter Michel Onfray sur un plateau réside dans la capacité du chroniqueur à le faire sortir de ses gonds, le pauvre intello-fake se trouve posé là comme un punching-ball entouré de roquets qui l'excitent pour qu'il se fâche. C'est ainsi que l'on a vu, par exemple, se lancer dans l'aventure un certain M. Moix, malhabile, tout empêtré dans un préambule chantourné, presque gêné de l'obligation dans laquelle il était d'attaquer celui qu'il nomme « le vieux lion », comme dans l'espoir que la vidéo extraite de l'émission le lance comme nouveau « méchant » de l'émission. Même Onfray était embarrassé pour lui, vaguement las de devoir jouer son propre personnage. La manipulation n'a pas vraiment pris. C'est que les échanges de notoriété obéissent malgré tout à des lois plus subtiles que les présentateurs de la télévision.
Il faut alors se demander quelle serait la figure qui échapperait vraiment, qui échapperait ontologiquement à ce jeu médiatique qui consiste à présenter comme relevant de la pensée ce qui relève du slogan, de la norme, de la publicité. On a connu ces dernières années des engouements imprévisibles qui ont surpris les médias eux-mêmes, admiratifs de phénomènes qu'ils auraient voulu savoir créer, et qu'ils ont tenté, dès lors, de s'approprier. L'exemple le plus probant de ces échappées possibles, de ces échappatoires à la doxa médiatique, est le succès rencontré par « Indignez-vous ! » de Stéphane Hessel. Le vieux diplomate, en quelques pages, a su toucher la conscience de ses lecteurs, la conscience et le cœur, et le livre s'est répandu en France, puis sur la planète entière, souvent de la main à la main, comme se diffusaient les libelles. Au-delà de l'indéniable légitimité du vieux résistant, au-delà de son autorité personnelle et morale, ce qui a suscité, je crois, ce qui a inspiré, créé, multiplié le succès du livre, c'est son caractère poétique et l'indéniable poésie de son auteur. Car, en fait, la seule figure qui puisse durablement s'opposer à l'arasement de la pensée par les médias, ce n'est peut-être pas le philosophe, mais le poète.
Les intellectuels en 68 : manichéisme et orthodoxie de la « Révolution pour demain »
Pier Paolo Pasolini - Écrits Corsaires

Les Intello-Fakes - Diégèse 2016 - Péguy-Pasolini #05 -










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Je me souviens de toi. J'oublie le grondement du monde. J'oublie ce cœur qui bat, la palpitation de ton ombre. J'oublie le poème, tout à la poésie du monde.