Diégèse




jeudi premier septembre 2016



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#Péguy-Pasolini - les textes de Diégèse 2016 -










Peut-être est-ce parce qu'il n'y a pas de solution possible ? Peut-être est-ce parce que la fin de l'Église est désormais inévitable, à cause de la « trahison » de millions et de millions de fidèles (surtout de paysans convertis à la laïcité et à l'hédonisme de la consommation) et de la « décision » d'un pouvoir qui est désormais certain d'avoir en main ces ex-fidèles-là, au moyen du bien-être et surtout de l'idéologie qu'on leur a imposée sans même avoir à la nommer ?
C'est possible, mais ceci est certain : si les fautes de l'Église ont été nombreuses et graves dans sa longue histoire de pouvoir, la plus grave de toutes serait d'accepter passivement d'être liquidée par un pouvoir qui se moque de l'Évangile. Dans une perspective radicale, peut-être utopiste ou, c'est le moment de le dire, millénariste, ce que l'Église devrait faire pour éviter une fin sans gloire est donc bien clair : elle devrait passer à l'opposition et, pour passer à l'opposition, se nier elle-même. Elle devrait passer à l'opposition contre un pouvoir qui l'a si cyniquement abandonnée en envisageant sans gêne de la réduire à du pur folklore. Elle devrait se nier elle-même, pour reconquérir les fidèles (ou ceux qui ont un « nouveau » besoin de foi) qui l'ont abandonnée à cause justement de ce qu'elle est.
En reprenant une lutte qui d'ailleurs est dans sa tradition (la lutte de la papauté contre l'empire), mais pas pour la conquête du pouvoir, l'Église pourrait être le guide, grandiose mais non autoritaire, de tous ceux qui refusent (c'est un marxiste qui parle, et justement en qualité de marxiste) le nouveau pouvoir de la consommation, qui est complètement irréligieux, totalitaire, violent, faussement tolérant et même, plus répressif que jamais, corrupteur, dégradant (jamais plus qu'aujourd'hui n'a eu de sens l'affirmation de Marx selon laquelle le Capital transforme la dignité humaine en marchandise d'échange). C'est donc ce refus que l'Église pourrait symboliser, en retournant à ses origines, c'est-à-dire à l'opposition et à la révolte. Faire cela ou accepter un pouvoir qui ne veut plus d'elle, ou alors se suicider.

Le conte d'Hans Christian Andersen Les Habits neufs de l'empereur est surtout resté célèbre par la phrase « Le Roi est nu ». On se souvient que le roi, donc, ou l'empereur, ou encore le grand-duc, selon les traductions, s'est fait berner par des escrocs qui lui ont vendu un tissu qui demeurerait invisible pour les sots. Personne, dans l'entourage du roi, ne le voit ce tissu, mais n'ose s'avouer sot et ni dénoncer la supercherie et le roi défile donc nu dans les rues où le peuple, ayant appris l'histoire, ne voulant non moins paraître sot, mais sans doute aussi par crainte de représailles, ne rit pas à son passage. Il n'y aura qu'un enfant pour crier la vérité et faire douter la foule qui, l'instant d'avant, louait la munificence de l'habit. Comme dans tous les bons contes, la morale est à double détente. Il y a la première strate de la morale, évidente, qui est que la vanité du pouvoir est grande et que le bon sens permet de déciller la foule la plus aliénée. Ainsi, il semble désormais évident à l'immense majorité des gens qu'Hitler était un fou furieux, et ce au seul visionnage de l'un de ses discours. Cela semble évident maintenant et ne l'était à l'évidence pas pour ceux qui l'ont porté au pouvoir ni pour les foules qui l'écoutaient galvanisées. Mais il y a une deuxième strate de la morale qui nous est donnée par le fin du conte pour peu qu'on s'en rappelle. En effet, quand la foule, éclairée par l'enfant, commence à chuchoter que cet enfant a peut-être raison, le conte se termine ainsi : « Le Grand-Duc en fut extrêmement mortifié, car, il lui semblait qu'ils avaient raison. Cependant, il se raisonna et prit sa résolution : « quoi qu'il en soit, il faut que je reste jusqu'à la fin ! » Puis il se redressa plus fièrement encore et les chambellans continuèrent à porter avec respect la queue qui n'existait pas. » cette seconde strate de la morale serait donc : savoir que « Le Roi est nu » ne change rien ; le ridicule n'est pas une arme aussi utile qu'on le craint ou qu'on l'espère, selon les cas, contre le pouvoir, contre l'aveuglement du pouvoir ni, surtout, contre les flatteurs et les profiteurs qui vivent de ce pouvoir... puisque ce même pouvoir, même désigné comme ridicule, peut choisir « de rester jusqu'au bout ». C'est ainsi ce qui se passe au Gabon pour l'élection présidentielle : la fraude est grotesque et le président déclaré vainqueur, fils du dictateur précédent, est à l'évidence tout aussi nu que le grand-duc du conte d'Andersen. Mais, tout aussi bien, cela ne changera rien s'il décide, comme il en a bien l'intention, de « rester jusqu'au bout » et surtout, tant qu'il y aura autour de lui des gens pour dire et répéter qu'ils croient à sa légitimité car c'est leur intérêt.
Le petit discours historique de Castelgandolfo - Pier Paolo Pasolini - Écrits corsaires
Péguy-Pasolini #16 - Diégèse 2016










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