Diégèse | |||||||||
mardi 13 septembre 2016 | 2016 | ||||||||
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#Péguy-Pasolini - les textes de Diégèse 2016 - | |||||||||
L'histoire de l'Église est une histoire de pouvoir et de délits de pouvoir ; mais ce qui est encore pis, c'est que, du moins en ce qui concerne ces derniers siècles, c'est une histoire d'ignorance. Par exemple, personne ne pourrait démontrer que de continuer à parler de saint Thomas — en ignorant d'abord la culture libérale, rationaliste et laïque, puis la culture marxiste et la culture freudienne en psychanalyse (pour m'en tenir à des schèmes primaires et élémentaires) — n'est pas un fait de sous-culture. L'ignorance de l'Église au cours de ces deux derniers siècles a été paradigmatique, surtout pour l'Italie. C'est sur elle que s'est modelée l'ignorance indifférentiste de la bourgeoisie italienne. Il s'agit en effet d'une ignorance dont voici la définition culturelle : une parfaite coexistence d' « irrationalisme », de « formalisme » et de « pragmatisme ». Les sentences de la Rote Sacrée sont par exemple un énorme corpus de documents qui montrent, d'une part, l'arbitraire spiritualiste et formaliste, d'autre part, le sombre patricisme (qui prend presque les formes d'un « behaviorisme » fanatique) avec lesquels l'Église regarde le monde. Les mises à jour qu'une partie de l'Église, même vaticane, a entreprises et parfois effectuées ne font que confirmer ce que j'ai dit. En effet, ces mises à jour ressortissent à la technique et à la sociologie ; encore une fois, on saute par-dessus la vraie culture. Encore une fois, ce sont les instruments du pouvoir qui apparaissent comme significatifs et décisifs. C'est cette culture particulière du Vatican, en tant que manque de vraie culture, qui a sans doute empêché le rédacteur de l'Osservatore romano de comprendre ce que j'ai écrit sur la crise de l'Église. Qui n'était pas du tout une attaque : au contraire, c'était presque un acte de solidarité — certes extrêmement anormale et prématurée — due au fait que — en fin de compte l'Église m'apparaît comme vaincue ; et donc, en fin de compte, comme libre à l'égard d'elle-même, c'est-à-dire du pouvoir. | Il
faut, s'agissant de la décadence, parvenir
maintenant au point de la
grande ambiguïté, de la grande difficulté : la décadence fascine.
Certes Louis XIV a fait de grandes choses, quand Louis XV en a fait
beaucoup moins, mais il demeure que Louis XV est
enveloppé d'un halo de sympathie, quand Louis XIV n'est apprécié que
des
militaires. Si Louis XIV a fait beaucoup pour les arts, il est plus
confortable d'être assis sur un fauteuil Louis
XV. Les orgies de la décadence romaine ont depuis des siècles nourri
les fantasmes des apprentis latinistes comme ceux des amateurs de
peinture « à l'antique ». La scène orgiaque et suggestive que peint
Thomas Couture, artiste parangon de l'académisme, dans Les Romains de la décadence dénonce
toute autant qu'elle émoustille, et si Delacroix, incomparablement, est
meilleur peintre, personne ne regarde La
mort de Sardanapale
en pleurant sur le sort du roi assyrien et de sa maisonnée sacrifiée.
Quant à Serge Gainsbourg, cela ne lui avait bien sûr pas échappé. C'est
cette ambiguïté intrinsèque à la décadence qui fait que plus les
réactionnaires la dénoncent, pris dans leur fantasme, plus ils
érigent « le dérèglement de tous les sens » en posture politique
de résistance. Après la défaite de 1871, des artistes répondent à ceux
qui déplorent la décadence par le décadentisme. La dénonciation de la
décadence supposée de la société entraîne la revendication de cette
même décadence comme saine réaction à la réaction. Il n'est pas
étonnant qu'en notre période trouble et troublée où la liberté, qui est
aussi la liberté de mœurs, ne cesse d'être attaquée partout dans le
monde et jusque dans les démocraties dites libérales, on reprenne ainsi
le vieil oriflamme de la décadence, celui qui a toujours servi à
l'enrégimentation du peuple. Et le peuple, rigolard, a toujours jeté
l'oriflamme aux orties, aidé en cela par les artistes à qui on ne la
fait plus depuis longtemps. Et Rimbaud dans Paris dévasté par la «
semaine sanglante » éructera ses vers : Le Poète prendra le sanglot des Infâmes,
La haine des Forçats, la clameur des maudits : Et ses rayons d'amour flagelleront les Femmes. Ses strophes bondiront, voilà ! voilà ! bandits ! |
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Pier Paolo Pasolini - Écrits corsaires - Église et pouvoir | Péguy-Pasolini #17 - Diégèse 2016 | ||||||||
13 septembre | |||||||||
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