Dans cette
affaire des congrégations, de cette loi des
congrégations, ou plutôt de ces lois successives et de l'application de
cette loi, où il était si évident que le gouvernement
de la République, sous le nom de gouvernement Combes, manquait à tous
les engagements que sous le nom de gouvernement Waldeck il avait pris,
dans cette affaire, cette autre affaire, cette nouvelle affaire où il
était si évident que le gouvernement faussait la parole d'un
gouvernement et par conséquent du gouvernement, faussait enfin la
parole de l'État, s'il est permis de mettre ces deux mots ensemble,
Bernard Lazare avait jugé naturellement qu'il fallait acquitter la
parole de la République. Il avait jugé qu'il fallait que la République
tint sa parole. Il avait jugé qu'il fallait appliquer, interpréter la
loi comme le gouvernement, les deux Chambres, l'État enfin avaient
promis de la faire appliquer, s'étaient engagés à l'appliquer, à
l'interpréter eux-mêmes. Avaient promis qu'on l'appliquerait. Cela
était pour lui l'évidence même. La Cour de Cassation, naturellement
aussi, n'hésita point à se ranger à l'avis (de ces messieurs) du
gouvernement. Je veux dire du deuxième gouvernement. Un ami (comme on
dit) vint lui dire, triomphant : Vous voyez, mon cher ami, la Cour de
Cassation a jugé contre vous. Les dreyfusards devenus combistes
crevaient déjà d'orgueil, et de faire les malins, et de la pourriture
politicienne. Il faut avoir vu alors son œil pétillant de malice, mais
douce, et de renseignement. Qui n'a pas vu son œil noir n'a rien vu,
son œil de myope ; et le pli de sa lèvre. Un peu grasse. – Mon. cher
ami, répondit-il doucement, vous vous trompez. C'est moi qui ai jugé
autrement que la Cour de Cassation. |
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Pour
revenir à cette intuition enfantine qui veut que dans l'injure comme
dans l'anathème
et dans l'imprécation, c'est « toujours celui qui le dit qui y
est »,
admettons, pour la nécessité de la démonstration, que nous sommes
en effet décadents en décadence. Quelle serait l'une des principales
manifestations de cette décadence ? Certes, on voudrait nous faire
croire que la légèreté des mœurs ou les droits acquis des
travailleurs sont d'indéniables signes. Mais qui pourrait le croire
vraiment dès lors que l'on
considère les difficultés de vie de ces mêmes travailleurs. On voudrait
nous
faire croire encore que l'immigration en est la cause principale,
mais qui pourrait le croire, encore, confronté à la pauvreté désespérée
des migrants émigrés sans même plus devenir jamais immigrés. En
revanche, il y a
bien un symptôme qui ne trompe pas, qui ne trahit pas et qui pourrait
confirmer la décadence décriée, c'est le niveau de corruption de la
société et des classes dirigeantes, corruption dont on admet qu'elle a
contribué
déjà à la chute de l'Empire romain. Je ne vais pas citer ici les
« affaires » qui agitent régulièrement les médias et évoquer
celui-là
qui dissimule et celui-là qui ment. D'ailleurs peu importe leurs noms,
ce sont les mêmes. Je ne veux pas m'intéresser aux corrompus. C'est
trop facile. Ce sont de trop bonnes figures offertes au lynchage. Et
ces lynchages organisés, médiatiquement organisés, masquent le
véritable problème, l'indéniable problème, le décadent problème et ce
problème, ce sont les corrupteurs. Et je ne me souviens pas de
retentissants procès assignant des corrupteurs. Il est vrai que le
procès d'un système fait de moins belles photographies à la une des
journaux. Et, force est de constater que ceux-là mêmes qui dénoncent la
décadence côtoient en permanence et depuis toujours corrompus et
corrupteurs, participant parfois à leur sarabande. |