Diégèse | |||||||||
mardi 27 septembre 2016 | 2016 | ||||||||
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Cette
vérité — on
le sent avec une précision absolue — se trouve même derrière un grand
nombre
d'interventions politiques et journalistiques, c'est-à-dire qui n'ont
pas de
rapports avec l'imagination et la fiction. Dernier exemple : il
est clair
que la vérité se pressait, avec tous ses noms, derrière l'éditorial du Corriere
della sera du 1er novembre 1974. Les journalistes et les hommes politiques ont probablement des preuves ou, au moins, des indices. Mais le problème est celui-ci : les journalistes et les hommes politiques, même s'ils ont probablement des preuves et certainement des indices, ne donnent pas les noms. À qui donc revient-il de les dire ? Évidemment à quelqu'un qui non seulement a le courage nécessaire mais aussi qui n'est pas compromis dans la pratique avec le pouvoir et qui, en outre, n'a par définition rien à perdre : un intellectuel. Un intellectuel pourrait donc tout à fait livrer publiquement ces noms, mais il n'a ni preuves, ni indices. Le pouvoir et le monde qui, tout en n'en faisant pas partie, a des rapports pratiques avec lui ont — justement à cause de la façon dont ils sont faits — privé les intellectuels libres d'avoir des preuves et des indices. On pourrait m'objecter que moi, par exemple, en tant qu'intellectuel et inventeur d'histoires, je pourrais entrer dans le monde explicitement politique (du pouvoir ou de ce qui l'entoure), me compromettre avec lui et donc faire partie de ceux qui ont le droit d'avoir, avec pas mal de chance, des preuves et des indices. Mais je répondrai à cette objection que cela n'est pas possible, parce que c'est justement ma répugnance à entrer dans un tel monde politique qui s'identifie avec mon courage intellectuel potentiel pour dire la vérité, autrement dit les noms. |
Il
faut dès lors tenter de mieux cerner ce qui surgit quand je perçois
l'autre comme bête ou quand
je me considère moi-même comme bête.
Revenons ainsi à
l'image instantanée du chauffard qui franchit en accélérant un feu
tricolore passé au rouge : le regard fixe que l'on aperçoit alors
semble bien trahir une absence, une forme particulière d'absence au
monde. Pourtant, la plupart du temps, ce chauffard n'est pas
saoul, il n'est pas drogué, il n'est pas inconscient. Rien de la scène
ne lui échappe, jusqu'à l'absence d'un véhicule de police. Il voit
les piétons et les autres usagers de la route. Il n'est ni frappé de
cécité, ni de surdité. Au contraire, tous ses sens paraissent en
éveil... Seul son regard est fixe, presque mort. Cette absence est,
certes, une forme de défaut de présence au réel, mais elle n'est pas
absence au monde, mais - seulement - une forme d'absence à
l'autre.
Mais, il
faut
encore penser plus avant, car, il ne s'agit pas seulement de l'autre en
tant
qu'autre, mais de l'autre en tant qu'il est semblable : ce que
j'appellerai « l'autre-même ». Le pacte social en son entier
ne repose-t-il pas sur la perception de l'autre comme semblable, sur la
perception
et sur l'acceptation de cet « autre-même ». « Ne fais
pas à autrui... ce que tu ne voudrais pas que l'on te fasse... ».
Ce que sanctionne le
droit, c'est d'ailleurs bien le manquement plus ou moins grave à ce
principe
fondateur
de la société humaine. Quand je considère l'autre comme bête, je considère dans le même
temps qu'il manque à l'humanité, comme « autre-même »,
et, pour sa peine, je l'exclus de la société humaine. Il
est devenu bête. Qu'advient-il alors quand c'est moi que je trouve bête ? La même chose. Quand je me considère comme bête, je me considère comme autre. L'espace d'un instant, parfois un peu plus longtemps, je ne coïncide plus avec ce moi semblable à l'autre que je pourrais donc désigner par « le moi-même ». Ce décalage, ce défaut dans la perception, cette brisure dans l'espace et dans le temps est bien la cause de notre appréciation soudaine : je suis bête. |
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Pier Paolo Pasolini - Écrits corsaires - Le Roman des massacres | Intelligence de la bêtise - Péguy-Pasolini #18 - Texte continu | ||||||||
27 septembre |
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