Diégèse | |||||||||
vendredi 9 août 2019 | 2019 | ||||||||
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C'est donné | 221 | ||||||||
Noëmie Diégèse | |||||||||
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Je
n'avais pas alors encore perçu à quel point ma vie était organisée
autour du manque.
Car, si le manque est la source de notre humanité, que viennent combler
l'amour de la mère et le sein nourricier, la société marchande nous
maintient dans un état de manque perpétuel. C'est une chose admise. Au
moment où j'écris ces
mots, l'antique psaume me revient : le Seigneur est mon berger, je
ne
manque de rien. Mais alors, quel est ce manque organisé ? Il
s'agit
bien sûr du
manque perpétuel des objets matériels, mais, cela n'est pas nouveau. Le
prophète Amos ne s'écriait-il pas : « Puis nous achèterons
les
misérables
pour de l'argent / Et le pauvre pour une paire de
souliers... » Et Amos
prophétisait vers 750 avant Jésus-Christ. Ce qui est caractéristique de
notre société,me semble-t-il, c'est qu'elle spiritualise le manque. Je
m'explique. Je me souviens. Je
regardais ce jour-là peut-être pour la centième fois de la journée le
fil des
publications des mes « amis » et des amis de ces amis sur les
réseaux
sociaux auxquels j'étais abonnée. Mes amis s'indignaient et soutenaient
des causes que je
trouvais justes. C'était l'été. Les indignations alternaient avec des
photographies de vacances. Mes amis partaient en vacances et parfois
même très loin. Une plage de sable blanc se juxtaposait à l'image d'un
énorme paquebot de croisière à Venise et puis la faim dans le monde et
puis les répressions policières et puis la dictature et puis la montée
des extrêmes et puis le déstockage « ultime » de boutiques de
vêtements
de luxe et puis les réfugiés et puis les noyades dans la mer
Méditerranée et puis des vacances au bord de la piscine, dans la
rivière, dans la mer, à la montagne et puis un crédit longue durée pour
une automobile « propre ». Pascal :
« Quelque
condition qu'on se figure, où l'on assemble tous les biens qui peuvent
nous appartenir, la royauté est le plus beau poste du monde. Et
cependant, qu'on s'en imagine accompagné de toutes les satisfactions
qui peuvent le toucher. S'il est sans divertissement et qu'on le laisse
considérer et faire réflexion sur ce qu'il est, cette félicité
languissante ne le soutiendra point. Il tombera par nécessité dans les
vues qui le menacent des révoltes qui peuvent arriver et enfin de la
mort et des maladies, qui sont inévitables. De sorte que s'il est sans
ce qu'on appelle divertissement, le voilà malheureux, et plus
malheureux que le moindre de ses sujets qui joue et qui se
divertit. »
Certes, mais quel est le moteur du divertissement, ce qui le met en marche, le fait tourner dans notre cœur et dans notre esprit ? C'est le manque. Mais, ce manque, inlassablement mis en scène, vend notre pauvreté humaine pour le prix d'une chaussure déstockée. Dans cette collision organisée entre ce que nous avons de plus haut, notre compassion et notre indignation face à l'injustice, d'une part, et des biens de consommation, d'autre part, ce qui se joue, c'est la spiritualisation et l'essentialisation du manque et notre déshumanisation. Mais, je ne le savais pas. Et je ne savais pas encore que penser Dieu, c'est parvenir à penser l'opposé du manque. |
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page 221 | |||||||||
Toute la collection | 4e de couverture | ||||||||
De son prénom, on
ne
connaîtra que l'initiale : S. S., c'est cette jeune femme que
Noëmie
Diégèse a rencontrée dans des circonstances qui ne nous seront pas
narrées. On ne connaîtra ni le lieu, ni les raisons exactes de cette
rencontre. Car, dans un style très épuré, très tendu, Noëmie Diégèse
nous livre le récit de la conversion de S. S. est-elle chrétienne catholique ou orthodoxe, juive ou encore musulmane ? On ne le saura pas non plus. Car, peu importe le support religieux, culturel et historique du récit que fait S. et que transmet Noëmie Diégèse : celui d'une conversion soudaine, violente, irrémédiable. Et c'est ce qui fait l'intérêt du livre. Le plus souvent, les récits de conversion sont enrobés de tout ce qui fait leurs circonstances. Ici, on suit pas à pas le mouvement de l'esprit et de l'émotion de S., que l'on suppose une jeune femme que rien ne disposait à une telle aventure. Ce livre de Noëmie Diégèse, à l'heure où la religion n'est le plus souvent montrée que sous la forme d'un fanatisme aliénant est bien venu, pour ce en quoi il nous rappelle, avec beaucoup de force et de poésie, que c'est d'abord une aventure spirituelle, profondément humaine. |
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9 août | |||||||||
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