Diégèse | |||||||||
jeudi 22 août 2019 | 2019 | ||||||||
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Sensible et insensible | 234 | ||||||||
Mathieu Diégèse | |||||||||
Tout
semble avoir commencé avec l'immunothérapie
allergénique, plus couramment appelée « désensibilisation »,
qui s'est
imposée dans les prescriptions des médecins généralistes après la
seconde guerre mondiale et généralisée dans les années 1970, bien
qu'elle fût connue et pratiquée dès le début du vingtième siècle. Du
point de vue sémantique, on peut s'interroger sur les effets induits
d'une désensibilisation
à
grande échelle de la population. Surtout quand on constate qu'à ses
débuts, ce type de traitement ne concernait que l'antique rhume des
foins et que depuis, ce type de traitement s'est singulièrement
diversifié, si bien que l'on semble découvrir chaque jour de nouvelles
substances pouvant déclencher chez l'être humain pourtant
« désensibilisé » de nouvelles allergies. Ainsi, désormais,
ce ne sont
plus seulement les allergies aux acariens, aux pollens, aux poils
d'animaux ou encore aux moisissures qui peuvent faire l'objet d'un
dépistage et d'un traitement adapté, parfois efficace, mais encore
l'allergie à beaucoup d'autres facteurs allergènes, le dépistage en
question pouvant devenir de plus en plus sophistiqué jusqu'au point où
il semble se substituer au traitement. On a vu des patients en
dépistage perpétuel qui étaient pourtant allergiques à toujours plus de
substances variées et parfois assez improbables. Il est aussi vrai
qu'il y a un marché. Mais, ceci n'est pas notre propos, qui serait plutôt de déterminer ce que cette vaste opération de « désensibilisation » de la population provoque dans le psychisme collectif de nos sociétés. Remarquons en préambule que cela concerne d'abord les sociétés occidentales en paix et relativement prospères. Le traitement de l'allergie au Yémen, en Syrie ou encore en Afghanistan ne semble pas, curieusement, relever de l'urgence sanitaire. De la même façon, on ne constate la présence d'aucun allergologue spécialisé sur les bateaux qui tentent de sauver des migrants en mer méditerranée. Mais, rien ne sert d'ironiser. Les patients affectés par des allergies ne font pas semblant de souffrir et celle-ci peut leur gâcher singulièrement la vie. Du seul point de vue épidémiologique, même s'il est difficile de déterminer si les allergies ont décuplé ou si c'est leur diagnostic qui s'est amélioré, remarquons que l'Organisation mondiale de la santé (OMS) classe la seule rhinite allergique au quatrième rang des maladies chroniques. En 2010, dans le journal Le Figaro, le Docteur François-Bernard Michel, pneumologue à Montpellier et membre de l'Académie nationale de médecine révèle qu'en cinquante ans les rhino-conjonctivites ont été multipliées par cinquante en Languedoc et que les allergies aux arachides chez l'enfant ont été multipliées par trois et demi en seulement dix années, soit de 1997 à 2008. Il semble évident que ces allergies croissent à mesure que l'activité humaine pollue, sinon détruit notre environnement. Cette désensibilisation repose donc sur une sorte de paradoxe qui veut que plus nous sommes insensibles aux conséquences de nos actes sur la planète, plus nous sommes obligés de nous faire désensibiliser. De fait, notre manque de sensibilité impose notre désensibilisation. Le langage, comme toujours, se rebelle et est prompt à pointer les apories. C'est aussi une facette des enjeux du développement durable qu'il ne faut pas négliger. L'exploitation effrénée des ressources naturelles et la pollution à long terme des éléments ne provoquent évidemment pas seulement le réchauffement climatique que nous connaissons, mais une évolution délétère physique et psychique de notre humanité, ce d'un point de vue collectif, social, mais aussi individuel. L'allergie est en quelque sorte notre réchauffement climatique personnel et portatif. |
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page 234 | |||||||||
Toute la collection | 4e de couverture | ||||||||
Mathieu Diégèse,
historien
expérimenté, esquisse dans cet ouvrage une brève histoire de la
sensibilité et de l'insensibilité à travers les âges en occident. Mais
son propos n'est pas seulement historique, il est aussi prophylactique.
En effet, la sensibilité, voire l'hypersensibilité ont les honneurs de
la société marchande. Il suffit pour s'en convaincre de passer devant
la vitrine d'une pharmacie. Il y a sera sans doute question de peaux
sensibles... Entrez, vous y trouverez des produits pour toutes les
sensibilités... Allez chez votre médecin pour lui demander des
protocoles de désensibilisation si, devenus hypersensibles à ceci ou à
cela vous avez développé des pathologies mieux connues sous le terme
« allergie » ou « intolérance ». Mathieu Diégèse montre que dans le déplacement des sensibilités au cours du temps, nos sociétés semblent bien privilégier les sensibilités du corps aux sensibilités esthétiques et affectives... Et cela pourrait bien expliquer la vengeance irrémédiable du psychosomatique. De là à nous persuader que nous serions moins allergiques si nous avions le cœur plus sensible, il n'y a qu'un pas. Il vous faudra lire le livre pour savoir si Mathieu Diégèse ose le franchir. |
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22 août |
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