Diégèse




vendredi 30 août 2019



2019
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L'atelier du texte demain










Bergson pour guide 242



Mathieu Diégèse




Pour cette séquence, nous allons aborder un petit texte de Bergson, qui est aussi un grand texte, cela, non pour, une fois de plus, détruire le fallacieux principe de non contradiction, mais pour souligner la magie de la langue et de la métaphore. Il s'agit de la seconde conférence des deux qu'il donne à l'Université d'Oxford en 1911, les 26 et 27 mai, exactement. Elles ont été publiées par Clarendon Press sous le titre La Perception du changement1.

Le changement... Reconnaissons que nous le manions dans nos vies de façon très habituelle et même très habituée, sans y penser. Ce n'est pas paresse et nous allons voir qu'il est plus difficile qu'il n'y paraît de penser au changement, et encore davantage de penser le changement. Mais, au quotidien, nous changeons d'avis comme de chemise, et nous avons parfois la prétention, même, de changer de vie. Quant au changement d'herbage, dit-on ou disait-on, il réjouit les veaux. Cependant, évoquant le changement, considérons-nous vraiment celui-ci ou les étapes de celui-ci, le point de départ, le point d'arrivée, l'état antérieur et l'état postérieur à ce que nous nommons changement ? Essayons et nous remarquerons vite qu'il nous est difficile, sinon impossible de nous intéresser au changement et que nous retournons vite aux étapes supposées de celui-ci. En vérité, nous sommes incapables de concevoir le changement, car, notre esprit tente en permanence de le diviser et quand la division ne l'intéresse plus, comme un animal qui se lasse d'une proie avec laquelle il joue, notre esprit s'éloigne du changement pour revenir à la perception de ce qu'il croit être immobile. Car, nous raisonnons par rapport à l'espace et rarement sinon jamais par rapport au temps. Et ce que nous appelons le temps, n'est, dans l'ordre de notre perception, toujours ramené à l'espace.

Voila ce que nous dit Bergson dans cette conférence. « comment l'objet qui se meut serait-il en un point de son trajet ? Il y passe ou, en d'autres termes, il pourrait y être. Il y serait s'il s'y arrêtait ; mais, s'il s'y arrêtait, ce n'est plus au même mouvement que nous aurions affaire. »

Mais quand même, nous révoltons-nous alors, il doit bien être possible de diviser le mouvement puisque rien n'est, dans ce monde, indivisible et l'on se rappelle alors comment Zénon s'y prend pour montrer qu'Achille ne rattrapera jamais la tortue. Or, Achille rattrape la tortue ! Personne n'en a jamais sérieusement douté. Et Bersgon de rappeler qu'il aurait suffi pour le savoir d'interroger Achille, ce qu'il fait, bien entendu : « Procéder comme le fait Zénon, c'est admettre que la course peut être décomposée arbitrairement, comme l'espace parcouru ; c'est croire que le trajet s'applique réellement contre la trajectoire ; c'est faire coïncider et par conséquent confondre ensemble le mouvement et l'immobilité. »

Confondre le mouvement et l'immobilité, c'est ce que nous faisons au quotidien pour nous faciliter la vie. Et si nous nous attachions en permanence à penser le mobilisme universel, nous finirions aussi fous qu'Héraclite d'Éphèse. Bref, nous avons besoin de penser le mouvement par l'immobilité parce que cela nous repose.

Alors, que retenir ?

Tout simplement que la trajectoire n'est pas le trajet. La trajectoire est de l'ordre de l'espace quand le trajet est de celui du temps. Ne sachant pas penser le temps autrement qu'en le rapportant à l'espace, nous mettons notre esprit dans l'impasse, allant chercher de l'indivisible dans des puissances métaphysiques alors que l'indivisible est proche de nous, aussi proche que le mouvement de votre main quand vous l'agitez devant vos yeux.




1. disponible ici sur Wikisource










page 242










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4e de couverture






À quoi sert la philosophie ? La question est régulièrement posée en première page de magazines spécialisés. Une des variantes de cette question peut être : la philosophie peut-elle rendre heureux ? Ce n'est pas du tout la question que se pose le philosophe et écrivain Mathieu Diégèse, qui se demande quant à lui si l'on peut être ami avec un philosophe. Il a choisi Bergson. Qu'est-ce que serait être ami avec Bergson, qui a vécu dans une autre époque, connu d'autres circonstances historiques, parmi les plus terribles ? Mathieu Diégèse décide - ou son personnage-narrateur - décide donc de ne lire que des textes de Bergson pendant toute une année, et, en fonction des jours, un chapitre entier ou seulement quelques lignes, et de vivre ainsi une journée entière avec ce texte, ces lignes. De cette familiarité avec le texte bergsonien naît une rêverie puissante qui nous conduits ébahis aux confins de l'expérience humaine, dans une sorte d'hyper pragmatisme insoupçonné.
À quoi peut donc servir la philosophie ? La réponse pourrait donc être : à faire l'expérience de la vie, et c'est ce qu'Henri Bergson et Mathieu Diégèse nous proposent conjointement de faire avec ce livre singulier à maints égards.
Le livre comprend 365 parties, et une de plus pour les années bissextiles. Vous pourrez ainsi prendre toute une année pour le lire et l'expérimenter.










30 août






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