Diégèse




samedi 20 avril 2019



2019
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Le hasard peut-être dangereux 110



Mathieu Diégèse














Maintenant que nous avons constaté sinon démontré qu'il était bien difficile d'attester qu'un événement quelconque, grave ou futile, célèbre ou confidentiel soit véritablement le fruit du hasard, le moment est venu de considérer tout cela à l'envers.

Nous admettons sans difficulté particulière que nous ne faisons pas par hasard ce que nous faisons, et nous le revendiquons. Nos actes, seraient-ce les plus ténus sont, assurons-nous, entièrement soutenus, validés, consolidés par notre volonté, notre conscience, notre identité, notre personnalité et même notre traçabilité. C'est en tout cas ce que veulent démontrer toutes les théories du sujet, au moins depuis le bon Descartes. Ainsi, dans la phrase « j'irai là-bas demain », « là-bas » n'est défini que par « je ». Il en va de même pour « demain ». Qu'en est-il de « je » ? Le « je » ne dépendrait que de lui-même dans la fixité de la conscience de soi ? Pas si sûr.

Rappelons si nécessaire que l'on qualifie en linguistique de « déictique » les termes dont le sens dépend de la situation d'énonciation. Sont ainsi « déictiques » les adverbes « ici » ou « là » s'agissant du lieu. De même, « hier » et « demain » ne sont pas moins déictiques que « là-bas » ou encore « plus tard ». Si nous reprenons la phrase « j'irai là-bas demain », tout est déictique, même « je ». Nous ajouterons : surtout « je ». En effet, si je substitue « J'irai à Paris le 21 avril 2016 » à « j'irai là-bas demain », ce qui demeure déictique, c'est bien « je ». Or, pourrait-il y avoir de hasard sans déictique ? Considérons la phrase « le 21 avril 2016 à 13h42 alors qu'il marchait dans la forêt une pomme de pin est tombée sur la tête de Monsieur D. (par hasard) » Il n'y a plus aucune place pour le hasard dans cet énoncé, ajouterions nous la locution adverbiale « par hasard ». Il sera très différent d'écrire, en revanche, « le 21 avril 2016 à 13h42 alors que je marchais dans la forêt une pomme de pin est tombée sur ma tête (par hasard). »

Car, nous sommes essentiellement des êtres déictiques et nous sommes déictiques aussi pour nous-mêmes. Or, par facilité, par usage et peut-être par nécessité nous dénions le plus souvent sinon toujours ce même caractère déictique à autrui. Dans les recoins de notre conscience, nous n'admettons le hasard que pour nous-mêmes quand rien pour autrui n'arrive par hasard. L'autre nous vient par hasard quand nous sommes entièrement nécessaires à nous-mêmes. Se considérer soi-même comme un hasard pour soi-même pourrait, certes, conduire à la folie. Le hasard procède donc du « je ». Sans sujet pas de hasard.









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4e de couverture






Le hasard nous semble familier. Chacun admet qu'il a joué un rôle important dans sa vie. Si bien que pour ne pas avoir l'impression de perdre pied, pour croire, un instant, que l'on contrôle quelque chose dans sa vie, on utilise aussi l'expression suivante : « il n'y a pas de hasard ! » Et comme le remède n'était pas assez puissant, les humains ont inventé une autre notion aussi étrange que celle de « destin ». Puis, comme si une telle absurdité ne suffisait pas, celle de dieux puis d'un dieu qui tirerait les ficelles de ce supposé « destin ».
Mathieu Diégèse vient dans son dernier livre déconstruire et reconstruire ces notions qui nous paraissent si communes. Il affirme ainsi que le hasard existe bel et bien et qu'il faudrait remonter si haut dans la chaîne des causalités pour s'en échapper qu'il est beaucoup plus pratique et opératoire dans la vie courante de l'admettre et de s'en servir comme outil d'interprétation du monde. Mais ce hasard même peut être dangereux, alerte le titre de l'ouvrage. Celui ou celle qui considèrerait en effet que tout est hasard serait proche de la folie. Si je décide d'aller à tel endroit, je n'y arrive pas par hasard, mais sur le chemin, je vais cependant rencontrer une foule de « hasards ». En revanche, je ne vais considérer que certains d'entre eux, et c'est alors ce choix qui va, en quelque sorte, « abolir le hasard ».
Le livre de Mathieu Diégèse est jubilatoire sous ses aspects austères. On appréciera ses incursions dans la littérature et le cinéma. On en sort encore plus présent au monde.










20 avril







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