Diégèse




lundi 2 décembre 2019



2019
ce travail est commencé depuis 7276 jours (22 x 17 x 107 jours) et son auteur est en vie depuis 21729 jours (3 x 7243 jours)
ce qui représente 33,4852% de la vie de l'auteur
hier



L'atelier du texte demain










Séquences 336



Daniel Diégèse




Il y a les époques passées, il y a les époques à venir. Les premières sont établies comme telles et les secondes peuvent être décrites avec espoir et crainte. Mais, ce qui se dérobe toujours, c'est l'époque dans laquelle nous vivons et donc, si l'on en croit notre triade favorite Péguy-Gramsci-Pasolini, c'est de savoir si nous vivons ou non une époque. Gramsci a vécu le fascisme. On peut considérer sans difficulté le fascisme comme une époque et l'on peut étendre cette époque à la montée des nationalismes xénophobes, autoritaires et antisémites dans l'Europe occidentale. Péguy a-t-il vécu une époque, naissant en 1873 et allant mourir sur les champs de la bataille de la Marne lors des premiers engagements de 1914. Ce n'est tout compte fait pas certain. Si l'entre-deux-guerres qui suivra et verra naître et mourir les années 1920 et 1930 paraît aujourd'hui comme une époque, cette période fade et poussiéreuse entre la défaite de Sedan et la première guerre mondiale n'est sans doute qu'une période et le Combisme, du Petit Père Combes, fustigé par Péguy dans Notre Jeunesse, est désormais oublié quand on oublie même de le citer lorsqu'on évoque la laïcité anti-cléricale.

Cependant, qui a envie de vivre une période que ne soit pas une époque ? Et quand on affirme qu'il faut « être de son temps », n'affirme-t-on pas, tout en l'espérant, qu'on est « de son époque ».
Quelle serait donc notre époque ? Si l'on en croit les « actualités », ce serait l'époque du réchauffement climatique. On avait bien tenté de définir le Numérique comme une époque et elle avait même connu ses prophètes, mais, cela avait fait flop. Le concept était faible et ses servants faiblissimes. Avec le réchauffement climatique, le récit « époquiste » tient tous ses ingrédients et Noëmie Diégèse a bien montré dans Ce sera quel signe  ? que le moteur de ce récit était un moteur eschatologique. Le récit du réchauffement climatique s'appuie donc et ne peut subsister que sur une croyance. Entendons-nous bien : tous les éléments scientifiques sont présents et notre propos ici n'est pas de douter de leur véracité et du réchauffement global, comme disent les anglo-saxons. Il n'en reste pas moins qu'il s'agit d'un récit et que ce récit fait appel à la foi, ce qui permet donc à certains de ne pas y croire, allant même parfois, dans la foulée, à douter du fait que la terre soit sphérique. Pourquoi user de la croyance pour fonder un récit « époquiste »  ? C'est que la croyance, bien avant l'intelligence, bien avant la compréhension et même la sensibilité est le moteur humain le plus fort et le plus anthropologiquement fondé. Qu'est-ce qu'un être humain ? C'est un animal qui croit, bien plus qu'un animal qui pense. Est-ce que le félin qui chasse la souris croit en la souris ? C'est indécidable. Le chasseur humain, quel que soit son gibier, va d'abord croire avant de chasser. Ce qui fonde le plus sûrement le réchauffement climatique comme inaugurant une nouvelle époque, c'est le débat entre ses tenants et les « climatosceptiques ». Ce débat ne s'éteindra pas, parce qu'il s'appuie, d'une part, sur la croyance comme l'un des piliers de l'humanité et que, d'autre part, il est l'élément moteur et dynamique du récit eschatologique fondateur de l'époque supposée.










page 336










Toute la collection


4e de couverture






L'écrivain Charles Péguy distinguait en 1910 dans Notre Jeunesse les époques et les périodes. Les époques, selon Péguy, sont les moments qui font l'histoire. Les périodes, ou encore appelées paliers ou même bonaces par Péguy, sont les moments plus ou moins longs entre les époques. Cette vision de l'histoire se faisant par poussées sur le corps social telles un syndrome inflammatoire, sera reprise par Gramsci, dont on sait qu'il était lecteur de Péguy. Le sociologue Daniel Diégèse reprend cette grille d'analyse et montre que la sphère médiatique et publicitaire tente de nous faire croire en permanence que nous sortons d'une période pour entrer dans une époque. On l'a compris, l'époque fait mieux vendre que la période. Au cours de son analyse, il introduit une notion que Péguy et Gramsci, alliés à Pasolini, auraient pu aussi utiliser  : la notion de séquence, ainsi que le monde de la communication et de la publicité - c'est le même - nomme les campagnes de manipulation de l'opinion vantant indifféremment l'action du pouvoir ou d'un shampoing anti-pelliculaire. Ainsi, quelle que soit la cause et sa justesse, la stratégie publicitaire a toujours intérêt à entretenir les poussées inflammatoires. Prenant appui sur le traitement médiatique de plusieurs crises de ces dernières années, Daniel Diégèse analyse comment ce qu'il nomme la mise en époque s'effectue dans les médias et les réseaux sociaux. Un livre passionnant pour comprendre... notre époque... qui n'en est donc peut-être pas une, ou pas tout à fait.










2 décembre






2009 2008 2007 2006 2005 2004 2003 2002 2001 2000

2018
2017
2016
2015
2014
2013
2012
2011
2010